J’ai bu un verre avec Davodeau.
Oui, oui : Davodeau. Etienne Davodeau, l’auteur de Lulu femme nue ou des Mauvaises gens.
Où ça ? Aux Grains Nobles, à Paris : un lieu rêvé pour les fondus de vin, niché dans une étroite ruelle à deux pas du Quartier Latin. Un lieu dédié à Bacchus où savourer le doux nectar en toute simplicité, voire même, pour les plus curieux, assister et participer à une dégustation menée par Pascal, le maître des lieux.
Pascal qui, en ce 4 octobre dernier, céda exceptionnellement sa place à son ami Richard Leroy, vigneron en Pays de Loire.
Tout en nous invitant à déguster son très bon Chenin, Richard nous exposa son parcours : sa jeunesse d’étudiant à Paris, sa passion déjà bien présente pour le vin, son travail « alimentaire » et son envie de changer de vie, puis sa décision de changer de vie et son choix évident de devenir vigneron. Il nous expliqua ensuite pourquoi lui, homme de l’Est, acheta ces terres à l’ouest malgré les préjugés peu reluisants sur les vins du Pays de Loire ; mais surtout comment, grâce à une façon de travailler saine, naturelle, et pleine de cœur, il réussit à tirer de ses vignes ce vin original, réjouissant… et vivant !
Enfin, il ajouta que cet exode rural fut aussi l’occasion de devenir le voisin d’Etienne Davodeau, ici présent. Etienne qui, comme nous le fit judicieusement remarquer Richard, était l’une des rares personnes de l’assistance à tenir correctement son verre afin que son blanc reste à bonne température.
Ceci dit, Etienne n’a aucun mérite : le lascar vient en effet de passer plus d’un an collé aux basques du vigneron. Et inversement. Car si le dessinateur ne s’y connaissait que très peu en vin et que le vigneron n’avait jamais lu de bande dessinée, une chose ralliait pourtant ces deux ignorants : la curiosité. C’est pourquoi ils décidèrent de se pencher mutuellement sur l’univers de l’autre ; l’un lisant des dizaines de BD et rencontrant de nombreux auteurs, l’autre goutant des dizaines de vins et s’initiant au travail de la vigne.
La simplicité du bonhomme, couplée aux doux effets de l’alcool, instaurait une ambiance décontractée et conviviale, et tout le monde riait de bon cœur quand Richard évoquait malicieusement les « conneries » que Davodeau avançait sur le vin ; riant de plus belle quand Davodeau, plus taquin que revanchard, balançait celles que Richard trimballait sur la BD.
Les minutes puis les heures s’écoulaient, les verres se vidaient puis se remplissaient de nouveau, les gens se mélangeaient et échangeaient gaiement. Ainsi, de fil en aiguille, je me retrouvai discutant avec Etienne, tout simplement, parlant de ses œuvres, de nos expériences de lectures communes, et de celles qu’il avait conseillées à Richard. Plus tard, me voilà en compagnie de Richard, devisant sur les capacités de chacun à apprécier tel ou tel cru, puis, rejoignant les deux univers, les capacités de chacun à apprécier tel ou tel auteur. Et de le chambrer gentiment sur ses lacunes bédégraphiques que m’avaient confiées Etienne quelques instants auparavant ! Et tout ceci, toujours dans une ambiance des plus simples, chaleureuses, et agréables.
Moi qui suis passionné de BD et amateur de vin, je vous laisse imaginer la soirée de rêve que j’ai vécu là…
…bref, j’ai bu un verre avec Davodeau !
Oui, je sais : quelle chance, n’est-ce pas ?
Mais rassurez-vous, même si vous n’étiez pas présent ce soir-là pour assister à ces discussions fort intéressantes, vous pourrez toujours vous installer bien confortablement dans votre fauteuil, déboucher une bonne bouteille, et déguster tranquillement les ignorants ; l’album résultant de cette merveilleuse aventure humaine.
Un album à l’image des vins de Richard : riche, sincère, et doté d’une véritable âme.
Une belle leçon de bédé, une belle leçon de vin, une belle leçon de vie…
Les Ignorants, d’Etienne Davodeau (ed. Futuropolis)
PS : Et en bonus, une page de Trondheim himself en réponse aux critiques de Richard sur son style animalier 😮