– Pour en finir avec le cinéma, de Blutch –

« Paul Newman ne peut pas être mort, je pense à lui tous les jours. »

« Ah, Burt Lancaster ! Burt, tu es mon actrice préférée. »

« Mais voyons, Michel Piccoli, c’est l’Histoire de France ! »

Voici quelques-unes des sorties dont nous gratifie le narrateur de Pour en finir avec le cinéma.
En cinéphile passionné, limite maladif, le bonhomme que Blutch met en scène ici ne vit que pour le cinéma, que par le cinéma. Amoureux des acteurs de la belle époque hollywoodienne, il se fait un devoir d’honorer leur mémoire, persuadé qu’ils vivent à travers lui. En adoration devant les grands réalisateurs mythiques, il emprunte leurs dires et parle via leur bouche. Obsédé par les films légendaires de l’âge d’or, il se rejoue leurs plus belles scènes chaque jour et les intègre dans son quotidien.

Nostalgique de cette époque bénie intimement liée à sa jeunesse envolée, et conscient de l’image pathétique de lui-même que lui renvoie son entourage – taxant sa cinéphilie de fétichisme, voire-même d’acte masturbatoire -, notre pauvre hère voudrait en finir avec le cinéma, mais comment oublier ses premières amours ? Et même lorsqu’il lui cherche des défauts, qu’il tente de régler ses comptes avec son obsession, on sent bien que la passion l’anime inexorablement et qu’il se dirige droit vers un inévitable « je t’aime, moi non plus ».

Un amour que Blutch partage aussi de toute évidence, tant cet album est truffé de références, d’anecdotes, de scènes tirées de grands classiques fidèlement redessinées ou habilement détournées…
Certains seront peut-être désappointés par cet enchainement improbable de séquences sans d’autres liens que le délire psycho-cinéphilique du narrateur, s’improvisant réalisateur de son film idéal et montant au hasard et à l’envi ses scènes préférées, comme elles lui viennent à l’esprit. D’autres adhéreront à 100% à cette folie narrative à mi-chemin entre ciné-thérapie et thèse illustrée. Mais une chose est sûre : les uns comme les autres ne pourront qu’admirer la connaissance quasi-universitaire du sujet qu’affiche Blutch au long de ces pages, et surtout, s’extasier devant son dessin virtuose ; brut, intuitif, hyper-expressif, et même sensuel.

Un auteur du neuvième art déclare sa flamme au septième art et en fait un art de vivre.

Pour en finir avec le cinéma, de Blutch (ed. Dargaud).

One Comment

on “– Pour en finir avec le cinéma, de Blutch –
One Comment on “– Pour en finir avec le cinéma, de Blutch –
  1. Contrairement à ce que peut laisser croire le titre, Blutch est un fou de cinéma au point d’y consacrer un roman graphique. Son propos n’est pas de rédiger un essai théorique sur l’art cinématographique mais plutôt d’user des procédés du 9eme art pour exposer ce que représentent pour lui ces milliers d’heures de films consacrées à étancher sa soif d’images.
    L’album est un peu comme une série de rushs visionnés sans montage particulier : pas d’histoire unifiante au fil des pages. Simplement les divagations d’un personnage, qu’il représente un peu usé par les années, franchement ravagé par de nombreuses séances dans les salles obscures, et pérorant ses considérations tantôt à sa femme tantôt à la face de pas grand monde.
    Ce que révèlent ces quelques méditations est assez déroutant. Le cinéma n’est il pas finalement une activité qui consiste en dernière analyse à voir vieillir les acteurs ? Le cinéphile exercerait donc une activité sans guère plus d’intérêt que celle de parcourir un album de famille ? Est-ce là le simple point de vue plastique, réducteur, du dessinateur ? On pourrait le croire quand on découvre ses efforts déployés à dessiner, usant du trait large qu’on lui connait, sous toutes les coutures et à tous âges, Burt Lancaster ou bien Kirk Douglas. Pas aussi simplement, quand on sait l’émoi que peut provoquer la disparition de certains acteurs : qui pourrait nier qu’il n’a pas été au moins une fois d’avantage affecté par la mort d’une vedette de cinéma que par celle de quelque proche. C’est cette proximité avec ces êtres de pellicule qu’interroge l’auteur, au travers d’une œuvre de prime abord déroutante, mais qui mérite largement un effort de lecture.

    bullesbd.fr

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