– Portugal, de Cyril Pedrosa –

Les premières pages de Portugal sont un peu comme un vieil album photo.
Un album photo sur la tranche duquel on aurait collé une étiquette « Vacances 1976 », et où l’on aurait classé de jolies images aux teintes sépia, souvenirs d’une époque révolue où la famille Muchat se réunissait le temps d’un été dans la vieille maison de mémé. Et même si les adultes passaient la majeure partie de leur temps à s’engueuler, le petit Simon, lui, savait prendre du recul, s’isolant pour jouer avec son Goldorak tout en profitant du calme, assis au bord de la rivière ou au jardin avec sa grand-mère.

Puis, au fil des pages, le sépia se ternit, virant au verdâtre, morne et triste.
Morne et triste comme la vie du Simon de nos jours, enlisé dans un monde d’adulte qui l’ennui profondément, accablé par sa banque et ses propositions de crédit indécentes, son travail et son manque d’intérêt, sa psychanalyse et son manque de résultats.
Une petite déprime ? Assurément. Une déprime s’accompagnant par une perte d’envie ; envie d’évoluer, envie de s’engager, envie de communiquer. Simon traverse sa vie comme un fantôme, seul dans son coin, déconnecté du monde qui l’entoure. Un état qui se traduit sur le papier par des cases soit muettes, pour faire part de son mutisme, soit emplies de bouts de conversations sans queue ni tête, qu’il subit plus qu’il n’écoute, pour faire part de son indifférence.

Mais quand Simon se rend au Portugal – pays de ses aïeux –, la langue lui rappelle les doux souvenirs de son enfance, les bouts de conversations jusqu’alors insipides se transforment en chant à ses oreilles, et, comme par magie, les couleurs refleurissent sur les pages… et le sourire sur son visage.
Sur ces terres accueillantes et ensoleillées, Simon retrouve le goût de se balader, de flâner, de se poser en terrasse, de boire un coup, de manger un morceau, de discuter… de vivre, tout simplement.

Retour à Paris, retour au quotidien monotone… retour des pages en monochrome.
Las de cette triste réalité, Simon tourne la page sur cette vie qui ne lui convient plus, et décide de remonter le chemin de ses ancêtres vers ce Portugal enchanteur. En cours de route, il réapprendra à apprécier les petits plaisirs de la vie, ces instants si simples et pourtant si précieux : un moment partagé en famille, une sieste dans l’herbe fraiche, un pique-nique au bord d’une rivière, une balade entre les vignes, un bon vin dégusté entre amis…

Au fil de ces quelques 260 magnifiques pages, Pedrosa use avec virtuosité et génie d’un trait vibrant d’émotion et d’une époustouflante palette de couleurs (épaulé par Ruby sur certains passages) afin d’illustrer à la perfection ce que ressent Simon au plus profond de lui… et nous le faire ressentir tout autant, à nous, lecteurs émus, touchés, et emportés par cette fabuleuse tranche de vie gorgée d’une tendre nostalgie et d’une douce mélancolie.
Un album magique qui noue la gorge et fait se dresser les p’tits cheveux sur la nuque…

Portugal, de Cyril Pedrosa (ed. Dupuis).

5 Comments

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  1. Une belle chronique qui donne envie de se pencher sur cette nouvelle oeuvre d’un auteur que j’ai découvert récemment mais qui m’a particulièrement touché.
    Bravo et merci. ;o)

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