En ces temps où rien n’est facile, s’il y a un milieu qui ne déroge pas à la règle, c’est bien celui de l’édition : entre le fameux pouvoir d’achat qui s’effondre, la démocratisation du livre numérique, et les grosses maisons qui s’entrefusionnent et surproductionnent pour squatter un max de place sur les étals, pas évident pour les petites structures de garder la tête hors de l’eau.
Alors, quand malgré cette conjoncture hasardeuse, un nouvel éditeur se lance dans cette belle et folle aventure, on en peut qu’applaudir des deux mains tout en croisant bien fort les doigts pour lui souhaiter bonne chance et bonne route.
Et justement, en ces temps difficiles, s’il y en a un qui n’a pas croisé la chance sur sa route, c’est bien Fox, personnage central du premier bouquin des éditions Poivre & Sel, un pauvre hère ayant pour toit un lieu qui n’en a pas, de toit : Fox est SDF, et son toit, c’est la rue.
Malgré un dessin simple et quasi-enfantin, un héros à l’image de ces jouets mi-bonshommes mi-œufs en plastique, et un langage faussement simplet jouant habilement avec les mots, Martin Singer ne choisit pas ici le registre de la comédie légère à laquelle nous pourrions nous attendre. En décrivant le quotidien de ce sans-abri avec un savant mélange d’humour et de cynisme, mais aussi une belle dose de sensibilité, l’auteur nous livre un petit bouquin bien plus profond et touchant qu’il n’y parait, parvenant à nous provoquer à la fois sourires, tristesse, compassion… et même un certain malaise.
Une savoureuse mise en bouche au goût doux-amer pour les éditions Poivre & Sel.
Fox, sans domicile fixe, de Martin Singer (ed. Poivre & Sel).