« Alors, au début, y a un cowboy. Il a pas de cheval, mais si il s’tape super-fort sur la fesse, il galope quand même vachement vite.
Le cow-boy, il arrive en ville, il rentre dans un saloon, et il imite Jean-Pierre Bacri. Il l’imite pas super-bien, mais bon, ça va. Sauf que les autres cow-boys du saloon, eux, ils trouvent qu’il fait quand même super-mal Jean-Pierre Bacri. Du coup, ils le vannent grave, sur ses fringues et tout, et forcément, ça s’finit en duel. Duel plus que pas évident, parce que bon, vu qu’en fait c’est des cow-boys Playmobil, bah, ils peuvent pas trop plier les bras pour chopper leurs flingues. Heureusement, l’autre, il arrive à s’en sortir en jetant une feuille dans le tibia de son adversaire, et il se tape à donf’ sur la fesse jusqu’au village indien d’à côté pour se planquer. »
Vous ne comprenez rien ? Ah, mais rassurez-vous, c’est normal ! Moi non plus, au début, je ne comprenais rien, d’autant que l’histoire du cow-boy imitateur se faisait régulièrement parasiter par la bande-son des Chiffres et des Lettres, les bribes de conversation lors d’un repas chez tonton, ou encore par l’énumération d’une liste de courses.
Et pourtant, un tel humour s’échappait de ce fatras incompréhensible, que je ne pouvais m’empêcher d’en dévorer les pages, poussé par une sorte d’hilarité hypnotique !
Les répliques et situations de la trame principale sont délicieusement absurdes et décalées, lourdes d’un savoureux non-sens, alors que les intrusions extérieures, plus caustiques, tournent en ridicule les tristes stéréotypes de notre société ; du lecteur arrogant des Inrock’, à la caissière acariâtre du super-U, en passant par l’éditeur esclavagiste.
Car oui, même si ce bouquin se cache sous des atours de western, un humour faussement à la con, et un dessin ouvertement humoristique (mix du côté brut d’un Larcenet époque Fluide, sur-expressif d’un Gotlib, et hyper-spontané d’un Bouzard), il laissera en réalité transparaître les angoisses de l’auteur quant à sa condition d’artiste, sa place dans la société, les tracas du quotidien, la perte d’un être cher, les dangers de la routine, du train-train, du temps qui passe…
…en gros tout ce qu’implique la vie d’adulte, et qui détruit à petit feu les dernières onces d’innocence et de légèreté que nous procurait notre âme d’enfant.
Une lecture pendant laquelle on rit, on pouffe, et on s’esclaffe, tout en se laissant agréablement bringuebaler dans le monde barré de Fabcaro… et qui, en cours de route, nous offre de jolies bouffées de nostalgie et de mélancolie, nous laissant un léger gout doux-amer en bouche une fois l’album refermé. Drôle, malin, et touchant… bravo !
-20% sur l’Esprit de la Forêt, de Fabcaro (ed. Six Pieds Sous Terre)
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