1917, la première guerre mondiale fait rage.
Les pertes humaines et matérielles sont énormes… et au fond, dans quel but ?
Satisfaire l’égo démesuré d’un dirigeant mégalo ?
Agrandir son empire, à quoi bon ? La richesse ? Le prestige ? Le pouvoir ?
Et si le but de la guerre n’était connu que d’elle-même ? La guerre alimentant la guerre ? La guerre douée d’une conscience propre ?
C’est ce qu’aimerait prouver l’ingénieur Hellequin.
Persuadé que chaque obus tombant sur un bâtiment et en changeant l’apparence, chaque coup de baïonnette défigurant un pauvre soldat et lui remodelant le visage, chaque nouvelle configuration engendrée par les barbaries du combat pouvant être considérée comme une lettre supplémentaire d’un étrange alphabet ; l’énergumène s’évertue à vouloir lire dans les ruines le message que la guerre tente de nous adresser…
Alors forcément, avec un tel sujet et une ligne claire au premier abord assez classique, lors de sa première publication il y a dix ans, beaucoup comparèrent La lecture des ruines à du Tardi. Mais si la comparaison est élogieuse, elle n’en est pas moins erronée. Oui, Tardi excella sur le sujet de la première guerre mondiale, oui, Tardi est adepte d’une ligne claire au trait épais ; mais les similitudes s’arrêtent là.
Quand Tardi nous narre la dure réalité des tranchées, David B, lui, opte pour une approche beaucoup plus onirique, parsemant ses champs de bataille de barbelés végétaux et de golems en pomme de terre. Néanmoins, s’il aborde la guerre avec une certaine philosophie, voire-même une certaine poésie, le résultat relève tout de même plus du cauchemar que du rêve, car au travers de son imaginaire débordant et mystique, l’auteur pointe du doigt la folie à laquelle la fascination de la guerre peut conduire les hommes.
Idem pour le dessin : si les deux artistes ont en commun un trait simple et précis hyper-lisible, Tardi s’en servira pour restituer, alors que David B l’utilisera pour suggérer ou fantasmer ; n’hésitant pas pour cela à le déformer, le tordre, et l’emmêler pour sur-exprimer l’effroi, le désordre, l’étouffement, ou l’hérésie… et pousser ainsi à l’extrême les sentiments de ses personnages comme ceux du lecteur.
Aujourd’hui, David B est un auteur reconnu, au style propre et affirmé, que l’on ne compare plus à d’autres, mais qui au contraire est amené à servir de référence. Et s’il a acquis ce statut, c’est en partie grâce à cet album, moderne, novateur, et marqué d’une très forte identité. Album qui n’a toujours pas pris une ride, et ce, même 10 ans après sa sortie.
Merci, donc, à Dupuis de nous donner l’occasion de découvrir ou redécouvrir cette belle œuvre d’un des grands maîtres de la bédé, malheureusement trop rare dans le paysage du 9ème art.
La lecture des ruines, de David B (ed. Dupuis – Aire Libre).
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