Lorsqu’on lit le résumé de cet album et que l’on y apprend qu’il s’agit d’un survival horrifique où 3 lascars auront à en découdre avec une bande d’êtres insectoïdes débarqués de l’espace pour grignoter notre planète, on sent à plein nez l’héroïsme sévèrement burné, le déferlement de flots de sang, et la baston bien violente au pisto-laser…! Dans l’absolu, pourquoi pas, le délire badass bien barré qui s’assume et qui tire à fond vers la série B, mais alors plutôt dans un recueil à la Doggy Bags (click) que sur un gros bouquin comme celui-ci… parce que bon, 150 pages d’extermination d’aliens, ça risque de faire long, non ?
Mais justement, non, car contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre de ce genre de synopsis, Mathieu Bablet nous sert ici une histoire posée, lente, où l’action laisse place à la réflexion, où les explosions laissent place à l’introspection. Ainsi, les 150 pages en questions seront réellement justifiées et nécessaires afin de développer au mieux les personnages centraux de ce récit – leur identité propre et comment elle se traduit dans ce nouveau monde, leur relation parfois bien difficile et ô combien fragile, la monotonie de leur fuite perpétuelle face aux insectes, leurs interrogations sur l’origine de l’invasion, la meilleure façon d’assurer leur survie, le but de cette survie, leurs doutes quant à ce but…
150 pages au cours desquelles l’auteur crée une ambiance envoutante et prenante grâce à une palette de couleurs balayant du rouge feu au bleu glacial en passant par le gris sale, idéale pour un tel monde post-apocalyptique. Un monde dévasté où règne la désolation, aux rues désertes et aux bâtiments abandonnés de toute vie, représenté avec un soin du détail hallucinant et un trait réaliste ultra-précis contrastant avec ces personnages anguleux, au style nerveux, instinctif et lâché… un contraste qui pointera leur côté étranger et inadapté à ce nouvel univers. Impression accentuée au maximum lors de ces magnifiques grandes cases révélant des plans larges cadrés en contre-plongée pour écraser un maximum nos héros et les réduire à la taille… d’insectes !
Un récit pessimiste, intrigant et dérangeant, dégageant un douceâtre parfum de destruction et de mort, mais néanmoins fortement empreint de poésie et porteur d’un message poussant à réfléchir quant à l’influence néfaste de l’homme sur notre planète… jusqu’à là sublime dernière page !
La fin du monde n’a jamais été aussi belle.
La belle mort, de Mathieu Bablet (ed. Ankama).
PS : Par contre, Mathieu Bablet étant annoncé au casting de Doggy Bags 2, là, j’espère bien qu’il va se lâcher grave et tout faire péter… héhé !
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