Moi qui ai pas mal trainé mes guêtres (ou mes Stan Smith) en Asie du Sud-Est, et qui suis tombé amoureux de ces magnifiques contrées, je ne pouvais décemment pas passer à côté de cet album dont l’action se déroule au Cambodge.
Et dès le premier feuilletage, je reçu une véritable claque dans ma p’tite gueule : un magnifique noir et blanc à la Franck Miller, radical et sans concession, offrant des contrastes et des ombrages de toute beauté. Et ce trait, messieurs, ce trait : digne d’un Hugo Pratt ! Si précis et pourtant si instinctif et spontané, si épuré et pourtant expressif et pointu. En trois coups de pinceaux, Cinna dépeint à la perfection le visage des cambodgiens, leur innocence et leur gentillesse. En nous épargnant toute esbroufe inutile, il compose des cases aérées et allant droit à l’essentiel, mais dans lesquelles on trouvera toujours ce détail troublant de vérité qui reflète si bien l’ambiance de ce pays. On sentirait presque les entêtantes odeurs de curry des petites échoppes de bouffe fleurissant à chaque coin de rue, la chaleur plombante et étouffante qui nous prend à la gorge dans l’atmosphère polluée de Phnom Penh, la fraicheur bienfaitrice des trombes d’eau d’une pluie tropicale lors d’une balade sur les bords du Mékong…
La deuxième claque ne si fit pas attendre : à peine la lecture commencée, nous comprenons que ces dessins – aussi magnifiques soient-ils – ne sont pas là dans le but de nous régaler les yeux avec de jolies cartes postales, mais bien au service d’une histoire sombre et poisseuse.
Fête des morts nous entraine sur les pas de Serge, personnage à la Tardi, vieux flic taciturne et bourru, plus bavard en voix off que face à ses interlocuteurs, chargé de coopérer avec la police locale afin de démanteler un réseau de pédophiles. Mais, confronté à de dirigeants corrompus qui couvrent ces infâmes trafiquants d’enfants et entravent toute procédure dans les règles, Serge n’hésitera pas à employer des méthodes expéditives et peu orthodoxes, fonçant dans le tas et frappant là où ça fait mal… au risque de se mettre lui-même en péril.
Mais malgré ce sujet de fond dur et un traitement coup de poing, les auteurs ne dépasse jamais la limite les séparant du sordide ou du racoleur, pointant intelligemment du doigt l’ignominie sans jamais la montrer frontalement.
Un polar noir et violent où plane l’ombre des maîtres, mais ce, sans jamais tenter de les imiter, se construisant au contraire une identité propre et forte grâce à des personnages soignés et une ambiance totalement maitrisée.
Fête des Morts, de Cinna et Piatzszek (ed. Futuropolis).
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