John Lomax, fin musicologue, a énormément œuvré pour la préservation du patrimoine musical américain. En 1910, armé de son dictaphone à cylindres, il traversa tout l’ouest des Etas Unis afin d’enregistrer les chansons chantées par les cow-boys, et ainsi, à travers leurs textes reflétant le réel quotidien de ces hommes, recréer une image fidèle de cet ouest américain, bien différente de celle que véhiculait alors le cinéma.
Quelques années plus tard, John Lomax, cette fois-ci accompagné de son fils Alan, reprend la route pour le compte de la bibliothèque du congrès de Washington. Leur Mission ? Collecter les chants folkloriques de la musique noire traditionnelle. Le but ? Idem : préserver le passé avant qu’il ne disparaisse à jamais.
Dans Lomax, Frantz Duchazeau nous propose justement de suivre ce second périple, celui d’un passionné de musique et son jeune fils à travers le Sud américain. Mais bien plus qu’une simple collecte de chansons, ce road-trip prendra rapidement des airs de voyage initiatique. En sillonnant les routes de ce sud profond en compagnie de son père, Alan découvrira la dure réalité quant à la vie des noirs américains, constamment sujets à la ségrégation, traités pire que des animaux, exploités, humiliés, battus, et ce, bien après que l’esclavage eut pourtant été aboli. John Lomax, lui, verra dans cette lourde mission l’occasion d’aider ces gens en servant de relais et en diffusant au reste du monde – ou tout du moins au reste de l’Amérique – leur message de détresse, leur appel au secours, leur cri de révolte…
Et s’il est peu aisé de traduire sur papier toute la douleur, la rage, mais aussi l’espoir que ces hommes véhiculaient dans leur blues, Duchazeau, grâce à son trait sensible et sincère, apporte une telle humanité et une telle chaleur à son récit que l’on s’imaginerait facilement assis aux côtés de ces musiciens, sous le charme de leurs voix graves et rocailleuses, entendant presque le glissement de leurs ongles sur les cordes usées de leurs vieilles guitares…
Un bel album pour les amoureux de bédés comme pour les passionnés de musique, à feuilleter doucement dans son rocking-chair, bercé par un vieux vinyle de Leadbelly tout en sirotant un verre de Moonshine.
Lomax, collecteurs de folk songs, de Frantz Duchazeau (ed. Dargaud).
…petit bonus fort à propos :
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J’aime beaucoup le style du tracé dans les dessins, je vais m’intéresser d’un peu plu près à cette BD