En 1922, Katherine Mansfield publie The Garden Party, une nouvelle dans laquelle elle nous convie à la traditionnelle et très courue garden party qu’organise chaque année en son domaine une riche famille anglaise. Mais, alors qu’à quelques pas de là de pauvres ouvriers sans le sou enterrent l’un des leurs – mort accidentellement le jour même, Laura, la fille de bonne famille, se demande si cet étalage de richesses et de futilités mondaines ne serait finalement pas de bien mauvais gout.
Près d’un siècle plus tard, Thierry Bouüaert s’empare de cette nouvelle pour la transposer de nos jours, sur fond de crise économique. Et si les temps ont bien changés, l’écart entre les classes sociales, lui, n’est pas vraiment différent en 2008 qu’il ne l’était au siècle dernier. Ainsi, lorsqu’un ouvrier, victime de la fameuse bulle spéculative, se retrouve sans emploi et que dans sa voiture il cède à l’excès de rage qui lui sera fatal ; dans la demeure voisine on en est toujours à se demander si ces fleurs seront du meilleur effet pour la sauterie annuelle, ou si ce chapeau sera celui qui en jettera le plus auprès des riches convives. Malheureusement, les remords et les soubresauts de conscience de la pauvre Laura n’auront la peau du cynisme et de l’arrogance de ces êtres débordant d’égoïsme et de suffisance.
Et peut-être est-ce pour appuyer le côté intemporel de ce triste tableau et pour insister sur le fait que ces injustices subsistent quelle que soit l’époque que Thierry Bouüaert a choisi un tel traitement graphique, rajoutant des personnages contemporains sur des décors sans âge, collant littéralement ses silhouettes au fusain et aux contours grossièrement découpés sur des tableaux aux traits fins et aux douces couleurs pastelles.
Un livre irritant tant il met en avant et exacerbe les côtés négatifs et révoltants de ses personnages, mais aussi une adaptation réussie qui réactualise parfaitement le regard acéré que Katherine Mansfield portait sur la société en son temps.
La garden party, de T. Bouüaert, d’après K. Mansfield (ed. Soleil – Quadrants)
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