– Hé, chalut! Mais t’étais où ??? T’as reçu quinze appels des attachés de presse, des commentaires en attente de validation, des dizaines de mails à traiter. Tout le monde attend tes critiques des films de la semaine et toi, t’es tout le temps en vadrouille…
– Euh… Ben, euh… Je suis allé voir… euh… le Cabaret New Burlesque…
– Ah bravo! Pendant qu’on bosse, Môôsieur Boustoune va voir des stripteaseuses…
– Non mais oh, c’est qui le chef, ici… Ouste, vil matou! File donc écrire quelques chroniques, ça fait longtemps que tu n’as pas écrit une ligne… Ah “on bosse”, laisse-moi rire…
Et puis d’abord, ce sont des effeuilleuses, pas des stripteaseuses. La nuance, c’est que leur spectacle, justement, fait dans la nuance, dans le subtil et le délicat, à des années-lumières d’un show vulgaire et racoleur. De plus, désolé, mais il y a un net rapport avec le cinéma, ce qui justifie mon déplacement jusqu’à cet antre des plaisirs qu’a constitué, le temps d’une soirée, le Théâtre de la Cité Internationale, à Paris.
Les demoiselles de la troupe – et leur collègue masculin Roky Roulette, ne l’oublions pas – ont fait sensation lors du dernier festival de Cannes, en jouant leurs propres rôles dans le film de Mathieu Amalric, Tournée, et leurs numéros empruntent beaucoup à l’univers du cinéma hollywoodien.
Evie Lovelle, en robes de soirée moulantes (qu’elle confectionne elle-même) et gants démesurément longs qu’elle ôte à la manière de Gilda, a tout de la parfaite femme fatale de film noir ; Mimi LeMeaux,coiffée façon Marylin (poupoupidou !) se trémousse dans des éventails de plumes roses comme dans une comédie de Hawks ou de Cukor ; Julie Atlas Muz, elle, se débat avec une main coupée récalcitrante – et baladeuse ! – tout droit sortie d’Evil Dead 2 ; et Roky Roulette se la joue cowboy, exécutant un striptease sur un cheval/jump-jumper… Ajoutons à cela un assistant ressemblant un peu à Rhys Ifans et vous n’aurez plus à douter de la pureté de mes intentions…
Bon d’accord, j’avoue… J’y suis aussi allé pour voir ces filles pulpeuses en chair et en os – surtout en chair, d’ailleurs – alléché par la perspective de les voir exécuter des danses lascives. Et je n’ai pas été déçu, ça non… Cette troupe-là sait comment s’y prendre pour créer une ambiance sexy débridée. Chaque numéro déborde de sensualité.
Ici, les corps se dénudent sans complexes, dans toute leur beauté et leur imperfection. Les filles ne sont pas des mannequins anorexiques. Elles ont du ventre, des hanches, un peu de cellulite, mais elles n’ont pas honte de leur corps qu’elles savent mettre en valeur, à l’aide de chorégraphies coquines, d’accessoires savamment choisis.
De quoi faire fantasmer les hommes (et certaines femmes, ne soyons pas sectaires…) et décomplexer les spectatrices qui viennent assister au show. Car oui, tiens, il est bon de préciser que dans la salle, il y avait autant, sinon plus, de public féminin que masculin.
Certes, dans le lot, il doit bien y avoir quelques femmes venus surveiller leur conjoint et quelques amatrices de gazon, mais la plupart des spectatrices sont venues pour admirer ces femmes véritablement libérées, fières d’exhiber leurs atouts et ce, quels que soient leur âge, leur poids, leur taille, leurs défauts physiques…
Elles font de leur corps non pas une “marchandise”, comme le déplorent certaines féministes, mais une oeuvre d’art, un objet du désir, un outil au service d’un numéro sexy, poétique ou politique…
Malgré la bonne impression que m’avait laissé Tournée, j’avais un peu peur de trouver le spectacle un peu répétitif, de n’y voir qu’une succession d’effeuillages assez banals. Il n’en a rien été, fort heureusement.
Chaque numéro est très différent des autres : il y a les numéros “classiques”, style pin-up ou “femme fatale”, les “exotiques” – danse hawaïenne ou chorégraphie façon Joséphine Baker – les délires complets – Roky Roulette dans un bucket géant de KFC, disséminant dans la salle toutes les plumes qui rembourraient son slip…
Il y a aussi des numéros plus politiques, à message, comme quand Dirty Martini, enveloppée dans le drapeau américain, mange des liasses de billets pendant que la chanson d’accompagnement annonce “Proud to be an american”…
Ou comment dire que l’Amérique est corrompue par l’argent tout en restant sexy et drôle…
Entre deux, Kitten on the keys, Madame Loyal de la représentation, pousse (très bien) la chansonnette et électrise le public à coups de provocations érotiques et de jeux de mots équivoques.
Et puis, il y a les numéros géniaux de Julie Atlas Muz, drôles et poétiques.
Celui de la main coupée, dont nous avons parlé plus haut, mais aussi et surtout une formidable performance pendant laquelle la demoiselle joue avec un gigantesque ballon de baudruche avant de carrément rentrer dedans (!) et de continuer à se dévêtir, en ombres chinoises. Waoh…
Mais bon, comme ma plume est loin d’être aussi envoûtante que celles des boas portés par ces danseuses affriolantes, voici un petit reportage de France 3 sur ce spectacle. Vous y aurez un aperçu des talents déployés et de la générosité scénique de la troupe…
Comme le dit le reportage, la tournée française du Cabaret New Burlesque s’achève ce week-end. Mais guettez donc leur prochain passage par le biais des sites internet, pages twitter et autres myspaces des membres de la troupe :
Dirty Martini, Evie Lovelle, Julie Atlas Muz, Kitten on the keys, Mimi Le Meaux, Roky Roulette.
Et bien sûr le site officiel du Cabaret New Burlesque
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