Nom de Zeus, les amis !
Vous savez qu’il m’arrive régulièrement d’embarquer à bord de ma DeLorean volante et de remonter le temps afin de mettre en avant des ouvrages du passé ou de l’avenir ?
Et bien, je crois que d’avoir trop voulu jouer ainsi les explorateurs de la quatrième dimension du neuvième art, je viens de créer une rupture du continuum espace / temps, engendrant alors un évènement sans précédent dans le monde des bulles !
Laissez-moi vous expliquer.
Alors que Einstein et moi venions de regarder pour la énième fois la version d’Alice au Pays des Merveilles de mon ami Tim, je m’interrogeai sur les libertés que ce joyeux drille s’était autorisé par rapport à l’œuvre originale de mon ami Lewis Caroll (oui, les voyages dans le temps me permettent d’être à la fois ami avec les réalisateurs d’aujourd’hui et les grands écrivains d’antan !).
Ne pouvant attendre, je m’introduisis la nuit-même dans la bibliothèque municipale de Hill Valley à la recherche de ladite œuvre.
Au hasard de mes recherches dans les rayonnages, je tombai sur une relecture des aventures d’Alice par deux jeunes auteurs de bande dessinées que je ne connaissais pas. Eureka, m’écriai-je à gorge déployée !
La mauvaise idée que j’eue là ! Les gardiens de nuit du lieu me repérèrent dans la seconde et lâchèrent leurs molosses à mes trousses ! Je bondi par la fenêtre, regagnai ma DeLorean, jetai les quelques ouvrages « empruntés » sur la banquette et démarrai pied au plancher.
Etourdi que je suis, je ne pensai pas à vérifier si le convecteur spatio-temporel fut activé… et il le fut !
C’est donc tout naturellement, et tout scientifiquement, qu’il se mit à étinceler quand j’atteignis les fatidiques 88 miles à l’heure, et me transporta à travers le temps.
Seulement, aucune date n’étant pré-enregistrée dans la machine, cette satanée invention me fit voyager droit vers le présent… mais un présent modifié !
Les livres négligemment jetés les uns sur les autres sur le siège passager avaient fusionnés ! Il ne me restait alors plus qu’un ouvrage, celui des deux bédéastes, Renaut et Barou.
Par contre, leurs noms avaient tout bonnement disparus de la couverture. En leur lieu et place figuraient ces mots étranges : Enfin Libre… Quelle diablerie était-ce là ?
Je m’empressai de rentrer en ma demeure, de me saisir de ma plus belle loupe, et de me pencher au plus vite sur ce singulier objet.
Première aberration : dans cet Alice-ci, Alice ne s’appelait plus Alice, mais Siwel ; un anagramme du prénom de son papa. Mais plus intriguant encore : est-ce le fait que cet anagramme fut aussi celui du prénom de mon ami Trondheim, mais au lapin blanc du premier Lewis, s’était substitué le Lapinot du second ! Notre bondissant ami, pourtant mort et enterré, renversé par une voiture lors du huitième tome de ses formidables aventures, réapparaît ici en pleine forme et sauve la petite Siwel du même sort funeste !
Abasourdie puis apostrophée par cette rencontre impromptue, Siwel se met aussitôt en chasse de notre léporidé… et finit rapidement par se perdre dans une bibliothèque.
Encore, une bibliothèque, les amis !
Ce haut lieu de culture renfermant tant d’Histoire (et d’histoires) serait-il en vérité une sorte de portail interdimensionnel, une croisée des chemins physiques et intellectuels, un point de départ virtuel mais aussi bien réel où débuteraient mille et une aventures vécues mais aussi à vivre ?
J’en suis persuadé, car c’est en ce haut lieu d’Histoire (et d’histoires) que débutera la réelle aventure de Siwel ; aventure qui lui fera vivre mille et une aventures !
Mille et une aventures très similaires à celles d’Alice, donc, mais aussi si différentes.
Dans cet espace-temps altéré, par exemple, le croissant de lune illuminant la nuit de Siwel ne s’inclinera pas pour se changer en ce fameux large sourire du chat du Cheshire, mais restera bien droit comme un « i », ou comme une virgule, plutôt : une virgule bavarde et à cheval sur la ponctualité, usant de parenthèses et d’exclamations afin de mettre les points sur les « i » et de répondre point par point aux interrogations d’Alice… heu, Siwel !
Damned, je m’y perds ! Mais je ne suis pas le seul, notre fillette s’y perd tout autant dans cette réalité fantasmée ! La loquace virgule se proposera donc de lui servir de guide afin de retrouver sa propre réalité.
Pour ce faire, elles devront éviter de s’éterniser dans les pages dévorées par les rats de bibliothèques, traverser une maison close (mais pas facile d’y entrer, vu qu’elle est close), déjouer les facéties de ce petit diable de Puck rôdant dans la forêt par cette douce nuit d’été (si cette nuit d’été n’est pas un songe), questionner aux réponses de Larinx et Syrinx (les versions sphynxées de Tweedle Dee et Tweedle Dum), ne pas perdre la tête devant la Reine Rouge (trancheuse de tête incarnée par Marie-Antoinette, sic), mettre en échec un roi se prénommant Louis (et ses 15 déclinaisons, de I à XVI), affronter son reflet pour passer de l’autre côté du miroir, contempler la mère avant de prendre la mer, accoster sur une île au trésor aux airs de purgatoire, naviguer vers le soleil dont l’intense lumière serait peut-être l’unique sortie…
…quel périple !
Déjà qu’à la base les péripéties endurées par Alice ne sont pas de tout repos, mais là – par la faute de mon convecteur spatio-temporel – la pauvre Siwel doit en plus les combiner avec celles des autres ouvrages présents dans ma DeLorean au moment de la déflagration des 2.21 gigawatts !
A se demander si cette divine comédie ne s’apparenterait pas plus à une véritables descente aux enfers…
Mais par pitié, les amis, dites à Marty de ne pas venir me chercher, cette fois-ci : je ne pourrais rêver meilleur sort que de vivre dans un monde parallèle où deux jeunes auteurs de bande dessinées arriveraient si parfaitement, de manière si intelligente et si touchante, à mêler en un seul album les univers de géants tels que Caroll, Shakespeare, Dumas, Stevenson ou encore Trondheim… Nom de Zeus !
Le Songe de Siwel, de Enfin Libre (ed. La Boîte à Bulles)
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