A la liste des plus fameux tueurs en série du cinéma, aux côtés d’Hannibal Lecter, Patrick Bateman (pas l’homme chauve-souris, le yuppie psychopathe), Henry le serial killer, Michael Myers, Jason Voorhees, Norman Bates et autres Emile Gravier, il faudra désormais ajouter… Robert Lagomme.
Qui ça???
Robert Lagomme, le protagoniste principal de Rubber.
Un petit noir, dont l’apparence usée dissimule en fait un tueur impitoyable, misanthrope et sadique. Il roule sans but sur les routes, et dès qu’il croise un être vivant, son caoutchouc ne fait qu’un tour et il laisse libre cours à ses pulsions meurtrière. cherchant de nouvelles victimes sur la route…
Euh… Comment ça, son caoutchouc?
Ah, je ne vous ai pas dit. Robert est un pneu… Oui, parfaitement, un pneu.
Le héros du nouveau film de Quentin Dupieux est un gros morceaux de caoutchouc animé des plus mauvaises intentions. Dès qu’il s’éveille, dans la poussière d’une décharge sauvage, en plein désert, il se met à commettre les pires forfaits : écraser une bouteille en plastique, un scorpion, faire exploser une bouteille en verre avec ses pouvoirs télékinétiques (oui, il a ce don là aussi, comme les mutants du Scanners de Cronenberg)… Et il roule jusqu’à trouver une route, pleine d’humains à zigouiller…
Là, je sens que vous vous posez pas mal de questions : Comment est-ce possible? Pourquoi est-il aussi méchant? Quand est-ce qu’on mange?…
Ne cherchez pas, c’est comme ça, un point c’est tout…
Au début du film, un policier sort d’une voiture et s’adresse aux spectateurs pour leur expliquer que la vie est pleine de choses absurdes et que les films sont exactement pareils. Il n’y a aucune raison pour que E.T. soit marron, que les amants de Love story s’aiment, ou que le génial Pianiste de Polanski soit obligé de vivre comme un clochard… Le cinéma, c’est le “No reason”… Du coup, tout est possible, tout est permis, même et surtout les choses les plus invraisemblables.
Amis de la logique, du rationnel, du cinéma-vérité, ennemis de l’humour nonsensique
façon Monty Python, allergiques au latex, vous pouvez arrêter tout de suite la lecture de cette critique et renoncer à voir ce film.
Il semble en effet assez évident que Rubber ne plaira pas à tout le monde, tant Quentin Dupieux s’ingénie à malmener son audience. Au sens propre, mais aussi au figuré, les spectateurs étant représentés, dans le film, par un groupe de curieux observant l’action avec des jumelles, la commentant en direct, et subissant quelques menus désagréments…
Le cinéaste, contrairement à ce que l’on aurait pu craindre – ou espérer, selon le point de vue – ne joue pas pleinement la carte de la parodie, même si les références cinématographiques ne manquent pas, d’Hitchcock à Spielberg, du western au polar de série B. On est plus dans le registre surréaliste déjanté – c’est le cas de le dire ! – de l’absurde, du méta-cinéma… Au risque de dérouter le public – c’est encore le cas de le dire ! – d’autant que le film traîne son intrigue minimaliste sur près d’une heure et demie, étirant les scènes où Robert le pneu psychopathe batifole dans le désert et se moquant bien de varier le modus operandi des meurtres (des têtes qui explosent…).
Certains vont penser qu’il s’agit d’une mauvaise blague, du fruit d’un pari perdu…
Erreur, derrière son aspect follement absurde, le film développe un propos audacieux et assez intelligent sur la culture, la société de consommation, la déshumanisation de la société, l’écologie…
Oui, oui, il y a tout ça là-dedans… Ce film reposant sur le concept du “no reason” est loin d’être absurde dans sa conception…
Et pour ceux qui n’adhèreraient pas à ces messages en filigrane, il reste l’esthétique du film, son ambiance globale. L’image a été travaillée pour ressembler aux vieux classiques des années 1970. Le son et la musique ont eux aussi été particulièrement soignés. Pour rappel, Quentin Dupieux est surtout connu sous le pseudonyme de Mr Oizo, petit génie de la musique électro…
Pourquoi aller voir Rubber ? “No reason”… C’est comme ça et pis c’est tout…
Enfin si, vous allez y aller parce qu’il s’agit assurément du film le plus fou de l’année et qu’il mérite amplement le déplacement. Juste par curiosité, pour le plaisir de découvrir un objet cinématographique hors normes, presque totalement libre et sans contraintes. Quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, cette oeuvre finement décalée confirme le talent singulier de Quentin Dupieux, dont Steak nous avait déjà donné un aperçu. On attend le prochain avec impatience…
_______________________________________________________________________________________________________________________________________
Réalisateur : Quentin Dupieux
Avec : Robert Lagomme, Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Wings Hauser, Tara Jean O’Brien, Jack Plotnick
Origine : France, Etats-Unis
Genre : déjanté et nonsensique
Durée : 1h25
Date de sortie France : 10/11/2010
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : L’Humanité
_______________________________________________________________________________________________________________________________________