– Hé Scaramouche, tu peux t’occuper de la critique de…
– Pas le temps, je suis sur la critique d’un bon doss.
– Gné? Un Doss? De quoi tu parles?
– Rhô, l’autre… Tu n’as pas encore vu Radiostars, la comédie branchée de ce printemps 2012? Si tel était le cas tu saurais qu’un doss, c’est une abréviation pour “dossier”, et que c’est utilisé pour désigner quelque chose qu’on aime bien ou qu’on n’a pas envie de se fatiguer à décrire. Un bon doss, c’est par exemple un morceau de Vampire Weekend, ou une fille sexy avec qui on va essayer de passer la nuit… Et c’est ce que je vais faire en rédigeant cette critique.
Bon, chalut les humains, chalut chers auditeurs,
Vous aurez compris que je vais vous parler de Radiostars, le premier film de Romain Lévy. Pardon, son premier doss, comme il le définit lui-même.
Vous aurez aussi compris que, comme son titre l’indique, le doss en question tourne autour de stars de la radio.
Arnold (Clovis Cornillac), Alex (Manu Payet) et Cyril (Pascal Demolon) sont en effet les animateurs-vedettes du “Breakfast club”, la tranche matinale de Blast FM. Ce sont de grands couillons immatures, et un rien arrogants, qui passent leur temps à faire la fête, picoler, fumer,draguer les nanas et, dans un état parfois second, à balancer des conneries derrière leurs micros. N’importe quel chef d’entreprise les aurait jeté dehors sans ménagement pour attitude nonchalante et comportement indigne. Mais voilà, l’émission cartonne et les auditeurs sont fidèles au poste, ce qui fait que la radio est classée n°1 des audiences. Alors Frédérico (Laurent Bateau), le directeur d’antenne, bien que lassé par leurs pitreries, est bien obligé de les supporter.
Mais quand on est un peu trop haut perché, on finit par ne plus se rendre compte que l’on décline. Le show tourne un peu en rond, le ton devient plus débile que sarcastique et les vannes finissent par tomber à plat. Et bang, l’audience en prend un coup dans l’aile. A la fin de l’année, les chiffres d’audience ne sont pas bons et Blast FM passe derrière son principal concurrent au classement des radios les plus populaires. Frédérico profite de l’occasion pour leur secouer les puces et leur laisse une petite chance de sauver leur peau. Ils ont la période des vacances estivales pour reconquérir les auditeurs en allant à leur rencontre au cours d’une tournée dans toute la France. Chaque matin, ils vont devoir présenter leur show en direct d’une ville différente, et se débrouiller pour trouver sur place leurs invités. Et fini la belle vie! Cette tournée, ils la feront en minibus, tous ensemble, avec en prime leurs drôles d’assistants, Jérémie, un jeune bègue amateur de rap et de boisson à base de taurine, et Smiters, un garçon hyper-serviable mais un peu neuneu.
C’est dans cette tourmente que débarque Ben (Douglas Attal), un auteur/humoriste qui revient tout penaud des Etats-Unis, où sa tentative de devenir comédien de stand-up a lamentablement échoué, tout comme sa vie sentimentale.
Ses débuts au sein du groupe sont laborieux. L’égocentrique Cyril ne se préoccupe pas de lui. Le bouillonnant Arnold le prend de haut et n’hésite pas à le bousculer pour voir ce qu’il a dans le ventre. Et Alex se montre hostile lorsqu’il apprend que Ben est l’ancien fiancé de la femme avec qui il vit. Mais évidemment, tout va vite s’arranger.
On se doute bien que ces deux-là vont devenir les meilleurs amis du monde, que les textes du comique raté vont s’avérer des petits bijoux de finesse qui vont leur permettre de reconquérir les auditeurs et que le groupe sortira encore plus soudé de l’aventure.
Autant le dire tout de suite, Radiostars n’a rien d’original. C’est un mélange de road-movie et de film de potes assez classique et fortement prévisible. Les gags sont parfois un peu téléphonés et ne font pas toujours dans la finesse.
Mais c’est aussi – et surtout – un récit efficace, bien mené, plein de charme et souvent drôle, grâce à la belle complicité des comédiens, le bon équilibre entre des personnages qui ont tous l’occasion d’exister le temps d’une scène ou deux, et des dialogues percutants. Sans oublier une belle bande-originale pour rythmer tout cela. Et l’ensemble baigne dans une ambiance si sympathique que l’on se laisse finalement séduire.
Oui, c’est avec grand plaisir que l’on suit les engueulades homériques d’Arnold avec les gens qui l’entourent, souvent assaisonnées de vannes assassines, les bavardages incessants de Cyril, le vieux beau qui roule des mécaniques avec ses pompes rescapées des années 1960, les irruptions intempestives d’Alex dans la chambre de Ben afin de vivre par procurations les parties de jambes en l’air de son pote – ‘”Tu la démontes, hein? Mais classe, à l’anglaise…” – et les mésaventures dudit Ben aux prises avec un aigle royal. On s’amuse également des personnages secondaires : un responsable de pressing aux ressources insoupçonnées, un chauffeur de car androgyne prénommé Daniel(le) ressemblant à la fois à Françoise Hardy et Jacques Dutronc, un rappeur aux textes fleuris – « Du lundi au mardi, on t’viole. Du mercredi au jeudi, on t’viole. Le vendredi entre amis, on t’viole…” – et sa copine encore plus barrée que lui (la chouchoute de Boustoune, Alice Belaïdi), sans oublier des gloires régionales hautes en couleurs qui viennent défendre leurs métiers ou leurs inventions farfelues sous les yeux goguenards des parigots de la radio.
Il y a même quelques moments de grâce où on a l’impression d’être en communion avec les personnages, de faire partie de leur joyeuse bande : une chanson improvisée dans le bus, une virée nocturne au fastfood qui se transforme, au petit matin, en pure magie artistique, une partie de golf au milieu de nulle part…
Si le cinéaste cède parfois à la facilité pour s’attirer les faveurs du public et s’assurer un succès au box-office, on sent malgré tout que sa démarche est plus personnelle que mercantile. Cette histoire, c’est la sienne. Et celle de son pote Manu Payet.
Ils se sont rencontrés dans le studio du 7-9 de NRJ. Payet était l’animateur de l’émission. Lévy a été engagé pour lui écrire des textes. Et comme la collaboration a bien fonctionné, ils ont décidé de la poursuivre sur scène, Romain aux textes et à la mise en scène, Manu face au public.
Ce qui est certain, c’est que le duo – et même le trio, si on ajoute Mathieu Oullion, le co-scénariste, qui a lui aussi officié comme auteur sur NRJ – connait parfaitement les coulisses d’une émission de radio et les personnages qui y évoluent. Et ils se sont donc contentés de forcer un peu le trait – ou pas, d’ailleurs – pour façonner les héros de Radiostars. C’est ce côté “authentique” qui, allié aux bonnes vieilles recettes burlesques, séduit dans ce film.
Attention, Radiostars n’est pas, loin de là, un chef d’oeuvre du septième art, mais c’est un divertissement tout à fait recommandable, une comédie efficace et rondement menée, qui a assez logiquement triomphé au dernier festival de la comédie de l’Alpe d’Huez.
On préfère nettement ce premier film de Romain Lévy aux “comédies” navrantes auxquelles il a collaboré par le passé, comme Cyprien ou Les 11 commandements. Oui, c’est le même mec qui a écrit les deux purges en question. Mais il faut bien que jeunesse se passe, hein…
Bon faut que je vous laisse, je dois animer mon émission “Good Morning Croquettes” sur Radio Gourmet, la radio des chats qui ont la dalle. Et après, j’irai griffer le doss de mon maître (hi hi hi)…
Pleins de ronrons,
Scaramouche
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Radiostars
Radiostars
Réalisateur : Romain Lévy
Avec : Clovis Cornillac, Manu Payet, Douglas Attal, Pascal Demolon, Alice Belaïdi, Zita Hanrot, Sam Karmann, Ana Girardot
Origine : France
Genre : Bon doss
Durée : 1h40
Date de sortie France : 11/04/2012
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Le Monde
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