Un grand type très raide, très distingué, rentre dans un immeuble londonien en récitant des leçons de conjugaison française “Je donne, je donnais, j’ai donné…”…
Quelques secondes plus tard, un autre bonhomme est défenestré et vient s’écraser au sol.
Le grand type ressort peu après, et enjambe le cadavre, imperturbable, récitant la fin de sa leçon : “je vole, je volais, j’ai volé…”
Bienvenue dans l’univers très particulier de Victor Maynard, 54 ans, amoureux de la culture et de la gastronomie française, principalement des vins de Bourgogne (on le comprend !). Un homme dont le raffinement surprend au vu de la profession qu’il exerce : tueur à gages !
Il faut dire que chez les Maynard, le crime est considéré comme un art. Un don du Ciel, un talent héréditaire… Et Victor a de qui tenir, puisque son grand-père était tueur à gages, son père était tueur à gages, des orfèvres du meurtre net et sans bavure, et que sa mère a elle aussi la gâchette facile…
Autant dire qu’il est le meilleur tueur en activité sur le marché, et qu’il se satisfait de la petite vie tranquille qu’il mène entre deux contrats, s’occupant de sa mère aujourd’hui grabataire (ou presque) et de la vieille maison de famille. Il n’a jamais trouvé l’âme soeur. Sans doute ne s’est-il même jamais vraiment intéressé au sexe opposé…
Et voilà que débarque dans sa vie une drôle de fille…
Elle se prénomme Rose. C’est une kleptomane et une arnaqueuse, qui vient de berner un gangster amateur d’art, Ferguson, en lui refourguant un faux Rembrandt au prix d’un vrai… Evidemment celui-ci veut se venger, faire assassiner l’impudente voleuse, et il fait appel au meilleur : Victor.
Le contrat devrait être facile. Une filature, une balle entre les deux yeux et pfuit, le tour est joué. Mais Victor éprouve pour la première fois une réticence à passer à l’acte. Il se laisse émouvoir par cette fille – jeune, jolie, insouciante et libre comme l’air.
Alors qu’il est sur le point de finir le travail – parce qu’un contrat est un contrat – il assiste à l’agression de Rose par deux hommes de main de Ferguson, et, au lieu de tuer sa cible, il lui sauve la vie. Victor devient ainsi le protecteur officiel de la jeune femme et décide de l’emmener chez lui, en sûreté. Au passage, il est aussi contraint d’embarquer un témoin de la scène, Tony, un jeune homme, un peu paumé, qui, épaté par le style de Victor – et surtout persuadé que ce dernier est détective privé – insiste pour devenir son apprenti…Tout se petit monde doit apprendre à cohabiter et se préparer à un éventuel assaut de leurs poursuivants…
L’intrigue vous rappelle peut-être quelque chose ? Normal, c’est le remake de Cible émouvante, réalisé par Pierre Salvadori en 1997, avec Jean Rochefort, Marie Trintignant et Guillaume Depardieu dans les rôles principaux.
Ah, je devine votre déception… Oui, ce n’est qu’un remake…
Mais il est assez amusant de voir ce film français à l’humour noir très britannique se transformer aujourd’hui en un film britannique aux accents très frenchy. Et il faut bien reconnaître que cette nouvelle version est plutôt efficace et agréable à suivre, et tient la route par rapport à son modèle.
Bon, évidemment, c’est quand même un cran en-dessous de l’original, et ce, dans tous les domaines.
La mise en scène de Jonathan Lynn, réalisateur habitué aux petites comédies hollywoodiennes gentillettes (Mon cousin Vinny, Mon voisin le tueur,…) ne possède pas l’élégance et la loufoquerie de celle de Pierre Salvadori. Très plan-plan, elle possède néanmoins ce qu’il faut de rythme pour nous faire passer un agréable moment.
Même constat pour les acteurs :
Rupert Grint n’a pas le côté grand dadais maladroit qu’avait Guillaume Depardieu dans Cible émouvante. On est cependant heureux de le voir jouer autre chose que l’éternel copain de Harry Potter (Ron, dans la saga de l’apprenti sorcier…) et il livre une prestation assez correcte…
Et Emily Blunt n’est pas Marie Trintignant. Elle est certes charmante et joliment farfelue, mais il lui manque ce petit quelque chose dans le regard, cette étincelle de folie douce qui dansaient dans les yeux de l’actrice française…
Seul Bill Nighy se montre totalement à la hauteur. Il faut dire que l’acteur possède un flegme irrésistible, une raideur filiforme, un côté canaille qui valent bien le jeu tout en retenue et en élégance de Jean Rochefort dans le film original. Déjà excellent en vieux rocker dans Love actually et en capitaine de bateau déjanté dans Good morning England, il confirme ici tout le bien qu’on pensait de lui en portant vraiment le film sur ses épaules. Il parvient à tirer ses partenaires vers le haut et à transcender un scénario qui n’a rien de bien folichon, simple prétexte à la confrontation de trois personnages très différents, aussi paumés et imparfaits les uns que les autres…
Oui, disons-le haut et fort, si Petits meurtres à l’anglaise vaut le coup d’oeil, il le doit en grande partie à Bill Nighy et ses mimiques impayables, son flegme soooo british et son humour pince-sans-rires… Grâce à lui, vous passerez probablement un agréable moment, à défaut de voir une comédie inoubliable.
Si le coeur vous en dit, vous pouvez aussi (re)découvrir le film original, Cible émouvante, en DVD, au coeur d’un coffret réunissant les six premiers films de Pierre Salvadori (1). Et si vous n’êtes pas contents, on vous envoie Victor Maynard… “Je vole, je volais, j’ai volé…”
(1) : “Coffret six films de Pierre Salvadori” – éd. Pélleas / TF1 Vidéo – édité en 2007
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Petits meurtres à l’anglaise
Wild target
Réalisateur : Jonathan Lynn
Avec : Bill Nighy, Emily Blunt, Rupert Grint, Rupert Everett, Eileen Atkins, Martin Freeman
Origine : Royaume-Uni
Genre : le remake qui tue…
Durée : 1h38
Date de sortie France : 07/07/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Le Monde
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