– Tiens, Scaramouche, au lieu de glander sur le canapé, écris-nous plutôt la critique de Numéro Quatre…
– Hé! Mais euh… Trop injuste. Déjà, j’ai même pas vu les trois premiers. Et pis le numéro quatre de quoi, d’abord?
– Arrête de faire l’andouille! Numéro Quatre, c’est le titre du film et le titre de la saga littéraire dont il est tiré, signée Pittacus Lore (1)(2)…
– Bon Ok, ça va, j’ai compris… Pfff… je vais te la faire, ta critique…
Bon, de quoi ça parle, ce truc-là ?
C’est l’histoire de John Smith, un garçon de quinze ans.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’un adolescent ordinaire, qui aime traîner toute la journée sur la plage, faire des courses de scooter des mers avec ses potes et batifoler avec sa petite copine.
Mais, comme son nom l’indique aussi, il s’agit d’un garçon pas comme les autres, qui dissimule derrière ce pseudonyme son identité réelle et ses prodigieux pouvoirs.
Car John Smith est un extraterrestre tout droit venu de la planète Lorien. C’est donc un breton. Et c’est pour ça qu’il est bizarre…
– Scaramouche, ça suffit!
– Ho! Déjà que c’est moi qui m’y colle pour la critique, si en plus je n’ai plus le droit de rigoler… Bon OK…
John Smith, donc, est un alien que son peuple a envoyé sur Terre, ainsi que huit autres de ses congénères, pour leur faire échapper à l’attaque des mogadoriens, tout droit venus du théâtre du même nom, où, déguisés en clones d’Abba, ils agressent nos oreilles en chantant des “mamma mia”. Stop! Je retire ma blague foireuse avant de me faire gronder par le taulier (franchement, quel rabat-joie, celui-là…).
Les mogadoriens sont d’autres E.T. belliqueux et tyranniques, de corpulence impressionnante. Un peu comme des Predators, mais sans dreadlocks. Ils font peur avec leur crâne rasé et tatoué, leurs dents aiguisées de piranhas et leurs scarifications/branchies sur les joues. Sans oublier leurs fusils à balles explosives, capables de rayer de la carte une ville en seulement dix coups de feu, et leur cruauté, qui les pousse à tout détruire et à tuer tout le monde, semant des abats un peu partout (comme quoi, ma blague était bonne). Ils ont tué tous les habitants sur Lorien et entendent finir le boulot sur terre en traquant les survivants, avant de s’attaquer à nous – enfin, surtout à vous, les humains… –
Trois rescapés ont déjà été tués. C’est au tour de numéro Quatre d’être poursuivi sans relâche par les mogadoriens.
John Smith doit constamment déménager et changer d’identité, effaçant soigneusement toute trace de son passage. Enfin, ce n’est pas lui qui gère tout ça – John est jeune, et les jeunes, c’est connu, ça en fait le moins possible. Non, celui qui s’occupe des itinéraires de fuite et de la sécurité, c’est son garde du corps. Il se présente, il s’appelle Henri, il aimerait bien réussir sa vie,… ou du moins la conserver. Alors, il ne laisse rien au hasard, Henri. Il pose des caméras de surveillance, appelle son protégé toutes les heures. Un peu collant, le mec, mais bon, il faut ce qu’il faut…
Henri emmène son client se planquer à Paradise, une petite bourgade paumée de l’Ohio. John reçoit pour consigne de rester cloîtré à l’intérieur de leur maison pour être le plus discret possible, mais John est jeune et les jeunes, c’est connu, c’est rebelle. Vlan, le garçon s’inscrit au lycée, se fait des amis – et des ennemis (des joueurs de foot américain, quelle horreur!) – et il tombe même amoureux. Aïe! Le voilà qui découvre ses premiers émois sentimentaux en même temps que ses super-pouvoirs (ses mains servent de lampe-torche, trop cool..). Pour la discrétion, c’est raté… Si les mogadoriens déboulent, ça va être l’enfer à Paradise.
Le film de D.J. Caruso lorgne clairement sur le succès des adaptations d’autres fleurons de la littérature fantastique pour teenagers, comme la sage Harry Potter (en moins dense) ou la saga Twillight (en moins niais).
Du coup, pendant plus d’une heure, sa forme et ses thématiques (émoi amoureux, amitié, relation parents-enfants, bien et mal, acquisition de la maturité) s’apparentent plus à une chronique adolechiante, pardon adolescente, qu’à un blockbuster d’action fantastique. Et comme le rythme du film pâtit également des habituelles contraintes narratives inhérentes à un épisode introductif (3), on s’ennuierait un peu sans les intermèdes avec les infâmes mogadoriens.
Attention, cela se laisse voir sans déplaisir, notamment grâce aux jeunes acteurs, attachants – Alex Pettyfer, décidément abonné aux rôles d’ados mutants depuis Alex Rider : stormbreaker, Dianna Agron, Callan McAuliffe – mais on ne s’attendaient pas vraiment à cela, le pitch promettant des combats homériques, du suspense et des effets spéciaux à gogo…
Evidemment, le tempo s’accélère quand même dans la dernière demi-heure, avec le débarquement des mogadoriens à Paradise, et comme on est dans une production Michael Bay, autant dire que ça ne lésine pas sur les effets pyrotechniques et la destruction des décors. On peut même dire que ça bourrine sévère lors de l’affrontement entre les traqueurs surarmés et dotés de euh… chiens de garde imposants, et les héros, aidé par un renfort appréciable en la personne de numéro six, une blonde explosive (Teresa Palmer, WaOOh…).
On peut trouver tout ça too much, mais au moins, là, ça bouge. C’est ce qu’on voulait, non ?
Bon, vous aurez compris que Numéro Quatre n’est clairement pas le film de l’année, avec ses grosses ficelles scénaristiques trop faciles, son rythme bancal et son orientation public ado trop marquée. Mais, pour ceux qui ne sont pas trop exigeants, c’est un divertissement hollywoodien correctement mené, qui donne quand même envie de voir la suite. D’ailleurs, quelle suite ? “Numéro quatre 2”? “Numéro cinq”?
Ben non, raté, ça s’appellera, en anglais “The power of six” (mouais, c’est compliqué leur truc) et la vedette sera numéro sept (c’est vraiment super compliqué…)
– Bon, chef, ça te va comme critique, ça?
– Dis donc, tu ne t’es pas foulé…
– Ouais, ben eux non plus, il faut dire… Et je ne vais quand même pas faire une dissertation sur un blockbuster pour ados!
Ah, il m’énerve, ce Boustoune à la fin! Il n’a qu’à l’écrire lui-même son texte!
Bon, il faut que je vous laisse, je vais aller voir si Numéro six ne peut pas m’enseigner comment m’éclipser rapidement face à une offensive et comment prendre un adversaire par surprise pour lui griffer la tronche. Ah ça, il va voir, le Boustoune…
Plein de ronrons,
Scaramouche
(1) : “Numéro Quatre” de Pittacus Lore – éd. Baam
(2) : Pittacus Lore est le nom d’un personnage du livre, qui fait office de narrateur. La paternité du bouquin, elle, est partagée entre deux hommes. La série est née de l’idée de l’éditeur James Frey, désireux de surfer sur le succès des livres de Stephanie Meyer ou de J.K.Rowlling. Il a engagé des étudiants en littérature pour écrire des romans pour ados qu’il publie ensuite sous des pseudonymes. Le hic, c’est que ces étudiants sont peu payés, ne peuvent prétendre à la totalité des droits d’auteur et ne peuvent revendiquer la paternité des oeuvres.
Dans le cas de ce roman, best seller dont les droits on été rachetés par un studio hollywoodien, c’est un manque à gagner considérable. Alors, le véritable auteur, Jobie Hughes, s’est rebellé et a demandé à ce que ses droits d’auteur lui soient restitués. Un accord aurait été trouvé entre les deux hommes et la suite paraîtra cet été.
(3) : le film est le premier de ce qui pourrait devenir une sexalogie, six romans étant dores et déjà programmés. Le second film est d’ailleurs déjà en préparation.
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Numéro Quatre
I am number four
Réalisateur : D.J.Caruso
Avec : Alex Pettyfer, Dianna Agron, Callan McAuliffe, Teresa Palmer, Timothy Olyphant
Origine : Etats-Unis
Genre : fantastic-teen movie
Durée : 1h49
Date de sortie France : 06/04/2011
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Télérama
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