Pour sauver l’économie des pays et améliorer le quotidien des populations, politiciens et économistes n’ont que le mot “croissance” à la bouche. Il faudrait consommer de plus en plus, devenir de plus en plus grand, de plus en plus fort, pour avoir une chance de s’en sortir… Et si, au contraire, la solution à tous les problèmes de la planète était la décroissance, au sens littéral du terme?
Dans Downsizing, le nouveau film d’Alexander Payne, un scientifique norvégien invente une machine révolutionnaire capable de rapetisser n’importe quel être vivant à une échelle de 1/15ème, c’est-à-dire de transformer un être humain d’1m80 en une version miniature de seulement 12 cm, permettant ainsi d’économiser les ressources nécessaires à sa survie selon le même ratio. Vous vous sentez à l’étroit dans votre studio de 15 mètres carrés? Alors rapetissez et vous aurez un terrain équivalent à 225 mètres carrés. Pas mal, non? Et sur celui-ci, vous pouvez poser une grande maison de poupées pour obtenir un palais digne d’un prince! Vous culpabilisez de ne pas faire assez pour la planète? Rétrécissez et vous consommerez moins d’eau, moins de nourriture, moins d’électricité et produirez moins de déchets! Vous râlez parce que les sièges de bus, de train ou d’avion sont trop étriqués? Devenez petits, et vous voyagerez toujours dans un confort de type business class. Vous trouvez les moyens avez du mal à boucler les fins de mois? Rapetissez et, comme vous consommerez nettement moins, vos finances s’en porteront bien mieux. Votre salaire de 1000 € devient, à petite échelle, un salaire plus que confortable de 15 000 € par mois. De quoi mener la dolce vita jusqu’à la fin de vos jours!
Bon, évidemment, il faut déjà accepter l’idée de voir le monde à hauteur de petite souris, ce qui est loin d’être évident. Si vos proches et vos amis ne suivent pas la même voie que vous, il vous sera plus compliqué de les inviter à la maison, et vous devrez complètement revoir toutes vos petites habitudes. Par ailleurs, il faut passer par une opération très lourde et irréversible. Anesthésie générale, avant qu’on ne vous fasse subir une épilation intégrale et un arrachage de dents en règle, car la machine à rétrécir ne fait pas salon de coiffure et que la science n’a pas encore réussi à rétrécir les plombages automatiquement…
Après, vous aurez à choisir votre cadre de vie. Vous pouvez opter pour des nouveaux modèles de communauté, solidaires et écoresponsable, comme celle mise en place par l’inventeur de la machine à rapetisser, dans les Fjords de Norvège, ou l’une de ces banlieues modernes, tout confort, où les individus de la classe moyenne, devenus millionnaires, vivent dans l’opulence et l’oisiveté. Ici, passer à la plus petite échelle signifie prendre l’ascenseur social à très grande vitesse… Un petit bémol, cependant, si vous n’avez pas un sou à taille normale, vous n’aurez pas plus lors de votre vie lilliputienne. Quinze fois zéro, cela fait toujours zéro, c’est mathématique…
Et la transition d’un monde à l’autre n’est pas sans poser problème. En rapetissant, les individus font partie de sociétés nouvelles qui ne sont plus soumises aux mêmes règles, aux mêmes lois et aux mêmes contraintes que le pays qui les hébergeaient jadis. Ils ne paient plus d’impôts, ne cotisent plus pour les retraites, les systèmes de sécurité sociale, ne participent plus en aucune façon à la macro-économie. Du coup, doivent-ils toujours bénéficier des mêmes droits civiques que les “grands”? Doivent-ils avoir le droit de vote? Peut-on seulement encore les considérer comme des compatriotes?
Mais le vrai problème, c’est que le changement de dimension ne s’accompagne pas vraiment d’une diminution drastique de la cupidité, de l’avidité ou de la bêtise humaine.
Rapidement, le personnage central du film, joué par Matt Damon, un homme qui accepte de rapetisser par nécessité économique autant que par engagement écologiste, réalise que les sociétés miniatures ne sont pas si différentes. Certes, on y trouve des gens qui s’épanouissent dans ces quartiers apparemment sans crimes, sans violence, sans problèmes particuliers, des idéalistes qui pensent sincèrement agir pour le bien de l’humanité en adoptant cette vie en petit, mais il y a aussi des profiteurs, des riches qui ont trouvé le moyen, par ce biais, d’être encore plus riches et plus oisifs, ou des petits malins qui profitent du système, comme son voisin Dusan (Christoph Waltz), qui vend aux nouveaux riches des produits de luxe de contrebande. Et, en marge de ces univers très propres, très lisses, on trouve des laissés pour compte – des malades, des veuves, des orphelins, qui n’ont plus vraiment les moyens de s’offrir le luxe initial, contrairement à ce que promettaient les assurances au moment de la signature du contrat de “rapetissage”. Plus des clandestins, des réfugiés, qui auraient aussi voulu profiter des “largesses” de ces micro eldorados…
Le propre des oeuvres de science-fiction de qualité, c’est d’arriver à parler de problèmes contemporains, ancrés dans le réel, tout en développant un univers alternatif et futuriste crédible. C’est tout à fait le cas ici. Subtilement, Alexander Payne évoque tous les maux qui gangrènent notre planète : les problèmes écologiques, la surconsommation des ressources de la planète, la surpopulation, les inégalités entre pays riches et pays pauvres ou, au sein d’un même pays, entre citoyens riches et citoyens pauvres, les flux migratoires, l’égoïsme galopant des individus au détriment du collectif…
Il ne cherche pas spécialement à apporter une solution-miracle, pas plus qu’il n’entend livrer, avec ce blockbuster sympathique, calibré pour les Oscars, un brûlot politique ultime. Son but est juste de faire réfléchir le spectateur aux différentes options qui s’offrent à lui pour préserver la planète et agir pour le bien de l’humanité. Rapetisser, ce n’est pas encore pour demain. Mais agir pour l’environnement, consommer moins et mieux, essayer de partager un peu plus les richesses, c’est sûrement possible…
[…] le spectateur à des solutions alternatives aux modèles économiques fondés sur la croissance. (Lire notre critique) De toute façon, grand ou petit film, cela reste purement subjectif. L’important, dans un […]