Qui n’a jamais été émoustillé en regardant un film?
Qui n’a jamais été troublé par une scène de film au point d’en faire des rêves érotiques les nuits d’après?
Qui n’a jamais ardemment désiré une actrice ou un acteur, ou les deux, selon les goûts?
Tout le monde a en tête au moins un souvenir de cinéma marquant, ayant alimenté des fantasmes. Et souvent, ces souvenirs ne correspondent pas exactement à ce qui est enregistré sur la pellicule, car notre mémoire les a modifié, amplifiés, magnifiés, complétés par nos propres fantasmes, notre propre perception de l’oeuvre, à un instant T de notre vie. Ainsi, on peut se rappeler d’une scène de film particulièrement torride alors qu’elle est relativement soft à l’écran. Parfois, l’érotisme n’était que suggéré et c’est juste notre imagination qui a travaillé pour créer les images manquantes.
Plonger dans des souvenirs, c’est avoir à démêler un écheveau constitué de détails précis et de zones d’ombres, de réel et d’imaginaire, d’émotions et de ressenti.
Le côté chaotique de la mémoire, Gérard Lenne le connaît bien, puisqu’il avait écrit “Je me souviens du cinéma”, un ouvrage où il racontait pêle-mêle des souvenirs de cinéma à la façon du “Je me souviens” de George Pérec. Et la sensualité au cinéma est un sujet qu’il maîtrise, comme en témoigne son ouvrage “Erotisme et cinéma”. C’était donc la personne idéale pour prendre en charge cet ouvrage recensant les plus belles scènes érotiques du 7ème Art.
De façon totalement subjective, il a donc choisi cinquante scènes, tirées de films cul(tes), qu’il décrit à sa façon, avec émotion et humour, en se laissant guider par sa mémoire, forcément imparfaite, et son imagination, qui prolonge souvent l’action, la modifie, fait basculer la séquence dans le fantasme intégral.
Ainsi, cet ouvrage revient sur le scandale provoqué par Extase, et les plans d’Hedy Lamarr gambadant dévêtue dans les champs, bien peu choquants aujourd’hui. Gérard Lenne s’interroge aussi sur le sexe de King Kong – ne serait-ce pas plutôt Queen Kong du fait de cette tendance à jouer à la poupée et à vouloir à tout prix escalader ce symbole phallique qu’est l’Empire State Building? Il fait part de ses doutes quant à l’aptitude de Marlon Brando à pratiquer le coït tout en gardant son pantalon dans Le dernier tango à Paris. Il imagine – ou pas – que Marilyn Monroe ne portait pas de culotte sous sa robe blanche pendant le tournage de la fameuse séquence de la bouche d’aération de 7 ans de réflexion et que c’est cela qui a provoqué sa rupture avec Joe DiMaggio. Il fantasme sur les coulisse du tournage de Sweet movie, et notamment de la scène où Carole Laure se baigne nue dans 50 litres de chocolat. Et il part dans des gros délires dans lesquels Blanche-Neige partouze avec les sept nains, où la Belle veut reprendre du poil de la Bête, où les vampires ne sucent pas que du sang et où même le très sage Monsieur Hulot se laisse aller à un cinq contre un après sa journée à la plage…
Et puis, évidemment, Lenne imagine la fin de la célèbre séquence inaugurale du Mépris, où, après avoir demandé à Michel Piccoli s’il aimait ses chevilles, ses jambes, ses seins et son visage, Bardot finit par lui demander si son cul c’est du poulet et s’il voudrait bien avoir l’obligeance d’aimer aussi son abricot…
Si on trouve dans cette sélection des films attendus, comme Emmanuelle, L’empire des sens ou Histoire d’O, d’autres titres sont plus surprenants, comme La guerre des boutons ou Les dix commandements. Mais Gérard Lenne parvient toujours à justifier ses choix et à nous entraîner dans ses fantasmes à l’aide de mots joliment choisis. On aime son impertinence, son côté iconoclaste, sa façon voluptueuse de décrire certaines actrices, comme la divine Stefania Sandrelli, ses embardées comiques et ses manifestations d’érotomanie assumées.
Et surtout, on aime se perdre dans son imagination débordante, qui nous oblige parfois, souvent même, à remettre en question nos propres souvenirs des scènes décrites, et qui fait se télescoper ses fantasmes et les nôtres.
Si vous êtes coquins et que vous aimez le cinéma, vous prendrez sûrement du plaisir à la lecture de cet ouvrage, idéal pour pimenter votre été ou pour laisser votre esprit vagabonder “à la fraîche, décontracté du gland”.
Le seul défaut de ce livre est d’être un peu trop court, en dépit de ses 188 pages.
On aurait aimé voyager dans d’autres fantasmes, d’autant que l’histoire du septième Art recèle bien d’autres sommets d’érotisme torride, injustement oubliés par l’auteur. Quid de Rita Hayworth ôtant son gant dans Gilda? Des jambes de Cyd Charisse dans Tous en scène? Du baiser langoureux de Faye Dunaway et Steve McQueen dans L’Affaire Thomas Crown? De l’usage particulier de la pastèque dans La Saveur de la pastèque? De Michelle Pfeiffer ondulant lascivement sur un piano dans Susie et les Baker boys (là j’avoue, c’est très subjectif et personnel…)?
On attend donc une suite! Allez, allez, chers amis des éditions La Musardine, mettez donc le deuxième tome en chantier!
”Et les seins, tu les aimes? – 50 fantasmes cinématographiques” de Gérard Lenne – 188 p. – éd. La Musardine
www.lamusardine.com