Dino Fabrizzi est l’un des meilleurs vendeurs de la succursale niçoise d’une grande marque de voitures de sports italiennes (dont nous tairons volontairement le nom parce que le film lui fait assez de publicité comme ça…). Son directeur est sur le point de partir à la retraite et choisira lui-même son successeur entre Landrin, un de ses collègues bas du casque, et lui…
Dino est également comblé en amour, fréquentant depuis plusieurs mois une jolie française, Hélène, avec qui il est très complice, et qui semble prête à s’installer pour de bon avec lui.
Il devrait donc être parfaitement heureux et se préparer à accueillir avec grand plaisir tous ces changements de vie qui s’offrent à lui.
Le problème, c’est que Dino Fabrizzi n’existe pas… C’est le pseudonyme qu’a choisi Mourad, un français d’origine algérienne, pour se simplifier la vie. Car, la Constitution des Droits de l’Homme a beau stipuler clairement que les hommes sont libres et égaux en droits, il n’en reste pas moins qu’il est plus facile de louer un appartement quand on s’appelle Dino que quand on s’appelle Mourad, et qu’à profil équivalent, un patron embauche généralement plutôt un français “pur souche” qu’un candidat d’origine maghrébine… Certes les choses évoluent sensiblement, mais on est encore bien loin d’être parvenus à une pleine intégration…
Alors Mourad s’est créé une fausse identité pour pouvoir enfin travailler, vivre dans un logement décent, exister, tout simplement…
Cela a plutôt bien fonctionné pendant cinq ans. Mourad se fait sans problème passer pour Dino auprès de ses collègues, de sa fiancée, de certains de ses amis, grâce à son bagout et quelques mots d’italien pour ponctuer ses phrases. Et, pour ne pas risquer de se faire pincer, et par honte de tricher sur ses origines, son patronyme, il fait croire à sa famille, installée à Marseille, qu’il travaille en Italie…
Mais ces mensonges incessants commencent à le ronger, d’autant qu’il n’a plus vraiment l’appui des deux seules personnes qui sont au courant, sa soeur et son meilleur ami. Et la situation devient vite ingérable quand son père, sérieusement malade, lui fait promettre de suivre scrupuleusement le ramadan.
Au programme, respect des différentes prières qui ponctuent la journée, à heures fixes – dont celle de 4h30 du matin… – jeûne total pendant la journée et abstinence sexuelle totale pour son couple, vu qu’Hélène et lui ne sont pas mariés…
Difficile, dans ces conditions, de ne pas se trahir…
Ce point de départ permet à Olivier Baroux et son compère Kad Merad de décliner toute une succession d’imbroglios et de gags vaudevillesques plus ou moins appuyés (vous ne mangerez plus jamais un tiramisu de la même façon…).
Mais, alors que l’on aurait pu craindre d’assister à une comédie lourdingue dans l’esprit des deux précédentes collaborations cinématographiques du duo, les poussifs Ce soir, je dors chez toi ou Safari, L’italien privilégie l’émotion à la gaudriole, l’humain à l’humour.
Les thèmes du film, assez sensibles, ne se prêtaient pas spécialement à la farce potache dont les deux humoristes s’étaient fait une spécialité à la télévision. Le film aborde en effet de manière plus ou moins frontale les sujets de la religion musulmane, du racisme et de la discrimination “ordinaires”, de la honte identitaire qui en découle. Il traite également de l’importance des racines, de la famille, de l’entourage.
Intelligemment Olivier Baroux a peaufiné le scénario écrit par Nicolas Boukhrief et Eric Besnard en veillant à ce que l’aspect comique ne prenne jamais le pas sur l’aspect plus dramatique du film.
Apparemment, il était hors de question que L’Italien ne soit qu’une de ses comédies communautaires un peu faciles qui jouent sur les clichés liés au choc des cultures. Le scénario s’articule donc surtout autour du personnage principal qui prend conscience de ce qui est vraiment important dans la vie : la famille, les amis proches, l’être aimée et qui, à quarante ans passés arrive enfin à communiquer avec son père.
La relation complexe entre Mourad et son père offre les plus belles scènes du films, de jolis moments d’émotion brute, où, en peu de mots, on ressent le passé commun des deux hommes, les petites blessures secrètes, l’affection qui les unit et a toujours peiné à s’exprimer.
C’est d’autant plus réussi que la complicité de Sid Ahmed Agoumi et Kad Merad sonne particulièrement juste à l’écran.
Un mot d’ailleurs, sur ce dernier. Depuis l’agaçant succès de Bienvenue chez les ch’tis, on l’a tellement vu cabotiner dans des comédies bâclées ou des rôles pas du tout taillés pour lui (un exemple récent : L’immortel de Richard Berry) qu’on avait fini par oublier que le bonhomme a aussi beaucoup de talent et est déjà lauréat d’un César pas du tout immérité pour son rôle dramatique dans Je vais bien ne t’en fais pas… Alors, même s’il cède parfois un peu à la facilité dans son costume d’italien volubile, même si son rôle manque encore un peu de nuances, il retrouve malgré tout un peu de sa superbe, réussissant tour à tour à nous faire sourire puis à nous émouvoir. Sans doute s’est-il un peu plus investi dans ce personnage qui lui ressemble un peu, lui qui est né d’un père algérien et qui a probablement, lui aussi, connu un début de carrière difficile de par ses origines ethniques…
Quoi qu’il en soit, on sent dans le film une démarche sincère, une envie d’emmener le spectateur au-delà de la simple comédie, du pur divertissement, pour le faire réfléchir à des questions on ne peut plus d’actualité, à l’heure où le débat sur l’identité nationale reste ouvert.
Bon, évidemment, même si L’Italien est porté par ces belles intentions et séduit par son charme doux-amer, on est quand même loin d’un chef d’oeuvre. Olivier Baroux a un peu progressé en tant que cinéaste, ce qui est tout naturel pour une troisième réalisation, mais sa mise en scène est encore encombrée de quelques tics assez disgracieux (Par exemple, le montage de la scène finale – le happy-end de rigueur entre Kad Merad et Valérie Benguigui – est assez aberrant et un brin longuet…). Et le scénario use assez souvent de grosses ficelles archi-usées, et ne ménage que bien peu de surprises…
Sinon, l’ensemble manque un peu de rythme (versant comique) et de profondeur (versant dramatique) pour convaincre pleinement.
Et l’interprétation, en dehors des deux comédiens précités, est assez inégale. Avec une mention spéciale pour le cabotinage assez irritant de Philippe Lefebvre, dans le rôle il est vrai fort caricatural du commercial rival, abruti bourré de préjugés, manipulateur et veule…
Mais, malgré ces petits défauts, il faut bien reconnaître que cet Italien tient plutôt la route et se laisse voir avec plaisir. On ne peut qu’encourager Olivier Baroux (réalisateur) et Kad Merad (acteur) à persévérer dans cette voie de la comédie douce-amère qui leur réussit plutôt bien.
Mais hélas, il est fort à parier que les deux compères cèdent de nouveau à leur goût prononcé pour la comédie crétine avec Qui a retué Pamela Rose ? nouvelle variante d’un de leurs sketches télévisés qui logiquement, ne devrait pas voler bien haut… A suivre…
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Réalisateur : Olivier Baroux
Avec : Kad Merad, Valérie Benguigui, Sid Ahmed Agoumi, Roland Giraud, Philippe Lefebvre, Saphia Azzeddine
Origine : France
Genre : comédie douce-amère
Durée : 1h42
Date de sortie France : 14/07/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Filmsactu
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Tu n’es pas le seul du Palmarès à avoir apprécié. Du coup, je me laisserai peut-être tenter. En tous cas, je prends aussi ce lien.