Il y a des fois où on aurait bien besoin de super-héros…
Par exemple pour faire accélérer ce bloody rascal de RER qui se traîne de gare en gare et menace de vous faire manquer le début de votre première séance du jour à L’Etrange Festival. Ou arrêter le temps et vous laisser tranquillement gagner la salle. Ou carrément venir vous chercher et vous faire voler jusqu’au cinéma à la vitesse de l’éclair…
Mais pour ça, il faut encore réussir à trouver des héros dotés de réels super-pouvoirs…
Ce qui n’est pas le cas de “L’éclair cramoisi” (“The Crimson bolt”), le zigoto dépressif de Super.
Dans cet ersatz de Kick-ass, le héros ne ressemble à Spiderman, Superman et consorts que par le fait de porter un déguisement voyant et une volonté inaltérable de combattre le crime. Il n’a aucun pouvoir surnaturel, des capacités physiques limitées, un charisme inexistant et pas d’autre talent que de savoir divinement cuire les oeufs, ce qui, pour combattre le crime, est franchement insuffisant.
Mais le bonhomme est motivé. Il est persuadé que Dieu en personne l’a choisi pour devenir un super-héros et partir à la reconquête de sa femme, une ex-junkie qui l’a plaqué pour aller s’acoquiner avec un petit caïd local, sur le point de réaliser un important deal de stupéfiants…
Il s’est créé un costume rouge cramoisi (pour impressionner les vilains), un masque (pour garder l’anonymat) et s’est vite rendu compte qu’une arme serait utile pour bouter la raclure hors des rues… Bingo! Sa super clé-anglaise n’est peut-être pas une arme super-glamour, mais elle fait de sacrés ravages quand il la propulse en pleine tronche des bad guys.
Par ailleurs, quand on est un héros sans pouvoirs, il n’y a pas de honte à avoir un peu de soutien. Batman peut ainsi compter sur Robin, Flash sur Kid Flash… L’Eclair Cramoisi, lui, a la chance de posséder une jeune acolyte, “Cramoisette”.
Et comme c’est une Ellen Page survoltée qui tient le rôle, on se dit que nous aussi, on a de la chance, car dès que la demoiselle enfile sa super-tenue super-sexy, le film gagne considérablement en tonus.
Comme Chloe Moretz dans Kick-ass, elle vole totalement la vedette au héros, le pauvre Rainn Wilson, et le résultat est assez irrésistible. Ah! Il faut voir la jouissance qui inonde son visage quand elle déchiquète les vilains à coups de griffes – comme Wolverine – ou qu’elle les atomise à coups de dynamite…
A part ça, si le film de James Gunn séduit souvent par son humour iconoclaste et féroce, qui s’autorise quelques jolies irrévérences et des écarts vers le politiquement incorrect, on peut regretter qu’il n’aille pas assez loin dans le délire burlesque ou l’immoralité, et qu’il pâtisse de quelques dommageables baisses de rythme.
Résultat, Super est plus ordinaire que vraiment super, et ne laissera pas un souvenir impérissable. On peut préférer Kick-Ass ou, dans le même esprit, Mystery Men…
Il y a des fois où on aurait bien besoin de super-héros…
Un super-héros au sixième sens affûté m’aurait aussi été utile pour choisir entre les deux séances suivantes : d’un côté Bullhead, film noir belge ayant gagné le grand prix à Beaune – et que j’étais un peu frustré d’avoir raté lors de mon séjour en Bourgogne – de l’autre, Wake wood, un film fantastique anglais des mythiques studios Hammer…
Mais j’ai dû faire ce choix cornélien tout seul et j’ai opté pour Wake wood, me disant qu’il était plus probable que le film de Michael Roskam bénéficie d’une sortie en salles et qu’il me serait possible de le rattraper plus tard, ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas pour la production de la Hammer, les distributeurs étant plus frileux avec le fantastique ces derniers temps…
Même si de nouveaux échos favorables sont venus jusqu’à mes oreilles suite à la projection de Bullhead, je n’ai pas du tout regretté mon choix, car Wake Wood est un très bon film fantastique “à l’ancienne”, comprenez ; qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile, aborde le genre au premier degré, en respectant les conventions, et surtout, prend le temps de mettre en place son récit, de s’attacher aux personnages, à l’ambiance,…
Le film de David Keating débute de façon on ne peut plus cruelle, avec la mort d’un enfant.
La petite Alice vient de fêter son neuvième anniversaire et prend le chemin de l’école en toute insouciance. Elle s’arrête pour nourrir un chien et se fait sauvagement attaquer par l’animal. Elle décède de ses blessures quelques minutes plus tard… Patrick et Louise, ses parents, sont dévastés, inconsolables. Ils tentent de surmonter l’épreuve en redémarrant une nouvelle vie dans le petit village irlandais de Wakewood.
Presque un an après les faits, ils assistent par hasard à un étrange rituel païen celte, pratiqué par les villageois sous la tutelle d’Arthur, l’employeur de Patrick. Ils comprennent que ce curieux cérémonial permet de ramener à la vie un défunt, mais pour une durée très limitée dans le temps – trois jours seulement.
Louise, qui n’arrive pas à faire le deuil de sa fille, ne peut pas passer à côté de cette occasion. Elle veut revoir son enfant, entendre son rire, la serrer dans ses bras…
Arthur accepte de mener à bien le rituel, malgré l’opposition de certains habitants. Il pose malgré tout certaines conditions : Le couple doit accepter de s’installer de manière définitive à Wakewood, ne pas tenter de franchir les limites de la ville avec l’enfant et surtout, au terme des trois jours, de rendre la fillette à la forêt de façon définitive…
Alice revient à la vie et est telle que ses parents l’avaient quittée : une petite fille adorable.
Mais des événements étranges se produisent autour d’elle…
Wake wood n’est pas comme ces films d’horreurs modernes qui jouent la carte de la surenchère gore et font la part belle à l’action. David Keating préfère mettre ses deux personnages principaux et le drame qui les a frappés au coeur du récit.
Là aussi, il fait dans la subtilité. Pas besoin d’effets mélodramatiques pour nous faire comprendre la douleur de ces parents ayant perdu leur fille unique, le vide provoqué par ce deuil, les difficultés du couple à reconstruire une vie normale… On y croit d’autant plus que les acteurs, Aidan Gillen et Eva Birthistle sont assez convaincants.
Pour le reste, Keating applique les bonnes vieilles recettes de l’épouvante gothique façon Hammer et lorgne, sans être du même calibre, vers un autre film anglais des 70’s, The Wicker man : Des rites ancestraux, des villageois inquiétants, une forêt menaçante située sous d’impressionnantes éoliennes, une fillette étrange, des animaux morts… Cela suffit pour faire monter la tension, lentement mais sûrement.
Au rayon des points négatifs, on peut regretter que le film soit un peu trop court et qu’il ne parvienne pas à nous terrifier dans sa dernière partie, où l’horreur est censée monter crescendo.
Mais on ne va pas faire la fine bouche. Après des années de disette, le cinéma fantastique britannique semble renouer avec des oeuvres de qualité – le très bon Kill list en est un autre exemple.
Il y a des fois où on aurait bien besoin de super-héros…
Oui, un bon coup de rayon bienfaisant ne serait pas de refus pour me détendre les yeux et les zygomatiques, épuisés par 1H30 d’images complètement délirantes et de rigolade devant Millocrorze : a love story, film japonais complètement fou sur l’amour fou.
Tout commence avec l’histoire d’Ovreneli Vreneligari (pas facile à porter, comme nom…), un gamin de 7 ans qui, dans un monde coloré/kitsch, mène une vie d’adulte, entre journées à l’usine et soirées pépères avec son chat sur les genoux.
Un beau jour, trompant l’ennui dans un parc, il rencontre la belle Milocrorze et en tombe instantanément amoureux.
Il réussit à la séduire et à la convaincre de vivre avec lui. Mais, même dans un monde coloré de bisounours, les histoires d’amour finissent mal en général, et la femme de ses rêves le quitte pour un bellâtre totalement fade et inintéressant… Fin.
Comment ça, “Fin”? Oui, pour cette histoire-là, c’est fini (ou presque). Car le film bifurque vers autre chose. On nous présente le Professeur Kumagai Besson, un expert en problèmes sentimentaux pour jeunes mâles boutonneux. Une sorte de Ménie Grégoire ou de Christian “Le Doc” Spitz, si vous préférez, mais avec une barbe, des lunettes noires de rock star, une chemise à jabot et un costume blanc issu de La Fièvre du samedi soir. Et surtout, une propension à insulter ses clients, les traiter comme des moins que rien, les secouer pour les forcer à réagir.
On le voit régler quelques cas classiques, comme celui d’un puceau se désespérant qu’aucune fille ne le remarque, celui d’un ado se demandant si l’élue de son coeur l’aime vraiment ou celui d’un jeune homme amoureux transi d’une belle hôtesse de train… Le tout ponctué de chorégraphies délirantes et jubilatoires.
Un grand moment de comédie sous acide, et un protagoniste qui rentre instantanément au Panthéon des personnages, au choix, les plus cools, les plus déjantés, les plus rock’n roll de l’histoire du cinéma…
Mais là encore, le cinéaste Yoshimasa Ishibashi ne s’attarde pas.
Par le biais d’une transition euh… renversante, il fait glisser le film vers l’histoire principale, celle d’un samouraï borgne cherchant désespérément à retrouver sa dulcinée, enlevée par des bandits et vendue comme prostituée dans une maison close. A partir de là, on oscille entre comédie romantique, western (ou plutôt eastern), drame et film de ronin classique, bouclé par un combat final d’anthologie… Rien que ça…
Il s’agit d’un film totalement inclassable, audacieux et original. Un des longs-métrages les plus surprenants qu’il nous ait été donné de voir cette année. Le genre de truc qui vous en met plein les mirettes et qui vous fait sortir de la salle dans un état second, en train de vous demander si vous n’avez pas rêvé toutes ces histoires improbables et colorées…
Vu le descriptif du scénario, cela ressemble à du grand n’importe quoi, à un exercice de style tape-à-l’oeil…
Mais ce n’est absolument pas le cas.
Le cinéaste traite son sujet – l’amour fou et ses conséquences – de manière très cohérente.
Les différents segments traitent de l’illusion amoureuse, de l’obsession, de l’épreuve de la séduction, du courage qu’il faut pour se jeter à l’eau et déclarer sa flamme à l’être aimé, de l’usure de la vie de couple, de la force que procure la passion, de la difficulté de surmonter un dépit amoureux…
Malgré son enrobage de comédie débridée, Milocrorze est une oeuvre plus profonde et moins gaie qu’elle n’y paraît, et finalement, assez aboutie, malgré quelques longueurs (le combat final du samouraï, entre autres).
Elle révèle en tout cas un auteur sacrément intéressant, dont on attend désormais avec impatience les prochains films.
Non, finalement, pas besoin de super-héros… Juste de bons films qui vous regonflent le moral, vous surprennent, vous stimulent.
(Et accessoirement, d’un Kumagai Besson pour vous apprendre à séduire les jolies hôtesses d’accueil de L’Etrange Festival…)
A demain, pour la suite de ce voyage dans le fascinant monde de l’étrange…
Oui, oui, et il faut quand même dire que SUPER est un film très douteux aux relents très fascisants. C’est la différence essentielle qui fait que la comparaison avec KICK-ASS ne peut se supporter.
A bientôt.