Johann Rettenberger est un véritable champion de course à pied, un marathonien à l’endurance bien supérieure aux meilleurs coureurs allemands et autrichiens… Il l’a prouvé en remportant plusieurs courses importantes.
Mais l’homme est aussi un redoutable braqueur de banques. Il prépare ses attaques à main armée, souvent violentes, avec autant de minutie et de précision qu’il note ses performances sportives. Et il les enchaîne comme les courses d’endurance, non sans un certain panache.
Dans le film de Benjamin Heisenberg, Le Braqueur (la dernière course), on fait sa connaissance en prison. Mutique, presque asocial, il reste à l’écart des autres détenus et met à profit sa détention pour se perfectionner à la course, améliorant son endurance et sa gestion de l’effort.
Quand il est libéré sous contrôle judiciaire, il s’inscrit à un important marathon dans son pays natal et le remporte haut la main. Il attire l’attention des média, des sponsors, et de nouvelles perspectives d’avenir s’offrent à lui.
Il renoue même avec sa vieille amie Erika, toujours amoureuse de lui et pleine de projets pour leur avenir commun…
Mais il ne tarde pas à reprendre également son activité favorite : braquer les banques… Affublé d’un masque et armé d’un fusil à pompe, il entame une nouvelle série de cambriolages spectaculaires et audacieux. Des exploits illégaux qui lui procurent autant d’adrénaline, sinon plus, que la course à pied…
Evidemment, une telle propension à évoluer en marge de la société, à vouloir défier les lois et les forces de l’ordre ne peut le conduire qu’à sa perte…
On croirait cette histoire incroyable issue de l’imagination tordue d’un scénariste de thrillers. Mais si le cinéaste s’inspire bien d’un roman (1), celui-ci est inspiré d’un fait divers on ne peut plus authentique. Le véritable braqueur se nommait Johann Kastenberger. Il a été condamné une première fois en 1977, pour attaque à main armée et a purgé sept ans de prison. A sa sortie, il a gagné plusieurs courses à pied, et commis plusieurs braquages très violents – plus que dans le film.
Arrêté le 11 novembre 1988, il a réussi à s’enfuir en sautant par la fenêtre du commissariat. Sa traque a mobilisé plus de 4500 policiers, soit le plus important déploiement de forces de l’ordre depuis l’après-guerre… Acculé par les policiers, il s’est suicidé pour ne pas retourner en prison…
Le film est relativement proche des événements réels, même si le nom du personnage a été changé et si certains épisodes ont été quelque peu romancés.
La fin, par exemple, a été sensiblement revue.
Le cinéaste et son scénariste/romancier, Martin Prinz, semblent avoir délibérément gommé les aspects les plus spectaculaires et violents du parcours criminel de Kastenberger pour mieux se concentrer sur la psychologie de leur personnage, ses capacités physiques et mentales hors du commun, ses motivations troubles, son inaptitude à la vie en société…
Johann était-il un psychopathe obsédé par la performance ? Un type ne trouvant de plaisir que par les décharges d’adrénaline provoquées par la course ou le danger? Un homme cherchant à la fois la reconnaissance des autres – via le marathon – et défiant une société trop contraignante – via les braquages ?
Sans doute un peu tout cela à la fois. Et aussi, un animal traqué fuyant instinctivement ceux qui veulent l’enfermer, le dompter…
Benjamin Heisenberg affirme d’ailleurs avoir conçu son film à la fois comme un thriller et un documentaire animalier.
De fait, il ne quitte pas d’une semelle son “sujet”, l’observant dans son entraînement quotidien, ses préparatifs minutieux de cambriolages, ses courses effrénées vers un but mystérieux dont il semble lui-même tout ignorer.
Pour incarner cet homme hors du commun, le cinéaste a eu la bonne idée de faire confiance à Andreas Lust, déjà très bon dans Revanche de Götz Spielmann, et qui confirme ici tout le bien que l’on pensait de lui. De tous les plans, il parvient à fasciner et inquiéter tout en gardant la part de mystère du personnage.
A ses côtés, on retrouve aussi avec grand plaisir la belle Franziska Weisz, vue dans Hotel et Violent Days.
Le résultat est donc des plus intéressants, mais on regrettera quand même que le cinéaste se laisse aller, ça et là, à une certaine emphase mélodramatique, bien inutile, qui culmine notamment avec la fin un rien, euh… téléphonée (c’est la cas de le dire… vous verrez…)
Il manque aussi un peu de fond, quelque chose capable de transcender le propos, d’aller au-delà de la simple reconstitution du fait divers, aussi efficace soit-elle.
Quitte à romancer un peu l’ensemble, on aurait préféré que le cinéaste creuse un peu plus l’idée de solitude des personnages et remette l’ensemble dans une perspective plus sociale.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Le Braqueur (la dernière course) est un thriller assez fin et intelligent, très nettement supérieur à tous ces thrillers hollywoodiens sans âme qui cachent derrière leurs effets visuels la vacuité de leur scénarios.
Et il est sans doute capable d’intéresser le grand public et de mettre en lumière un cinéma autrichien trop méconnu en France, et pourtant de haute tenue…
A noter que le film a reçu le prix de nos confrères blogueurs lors de l’édition 2010 du Festival Paris Cinéma…
(1) : “L’envolée belle” de Martin Prinz – éd. Absalon
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Le Braqueur – la dernière course
Der Raüber
Réalisateur : Benjamin Heisenberg
Avec : Andreas Lust, Franziska Weisz, Markus Schleinzer, Peter Vilnai, Michael Welz
Origine : Autriche, Allemagne
Genre : cours Johann, cours…
Durée : 1h30
Date de sortie France : 10/11/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Abus de ciné
(pas vraiment un contrepoint, mais c’est l’occasion de découvrir le nouveau design du site de nos amis lyonnais. Très sympa…)
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450 policiers, pas 4500 http://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Kastenberger
Oui, erreur de frappe. 4500 policiers pour un seul type, fut-il un athlète accompli, ça aurait fait un peu beaucoup. En même temps, vu la date de la critique, il y a prescription, non? 🙂