– Chalut les humains,
Je vais vous parler de Largo Winch II, de Jer…
– Non attends, Scaramouche, c’est moi qui vais écrire cette critique…
– Hé! Mais t’avais dit que la bande-annonce ne t’inspirais pas trop confiance et que tu n’irais pas le voir…
– Oui, bon, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
– En même temps, tu ne changes pas souvent d’avis… Hé! Kssssss….
– Allez ouste, du balais, vil félin… Va faire la sieste…
Bon, j’avoue, je suis parfois bourré de préjugés. Et les préjugés, il n’y a rien de pire…
J’en avais quelques-uns, déjà, avant la sortie de Largo Winch, premier épisode des aventures cinématographiques du playboy milliardaire inventé par Jean Van Hamme (1). Mais j’avais été agréablement surpris par la sobriété distinguée de Tomer Sisley, par le rythme d’enfer imprimé au film par Jérôme Salle, et par une intrigue condensant intelligemment plusieurs albums de la série de BD sans en trahir l’esprit. Comme quoi…
Cela ne m’a empêché de laisser de nouveau libre cours à mes préjugés avec ce Largo Winch II,
Au vu de la bande-annonce, je craignais que ce nouvel épisode ne soit qu’une suite bâclée et tape-à-l’oeil.
Eh bien, tout faux, une fois de plus… Le film est du même calibre que le premier opus, un divertissement de qualité.
L’intrigue est un peu moins tordue que celle du premier opus, qui multipliait les flashbacks et les rebondissements tirés par les cheveux. Elle s’inspire des albums “La Forteresse de Makiling” et “L’Heure du tigre” (2), avec quelques éléments de “H” et “Dutch Connection” (3), tout en développant une histoire originale : Largo Winch décide de vendre l’empire financier de son père pour créer une fondation humanitaire. Au même moment, on l’assigne à comparaître pour une affaire de crimes contre l’Humanité dont son père et lui seraient responsables. La procureure Diane Francken soupçonne en effet Nerio Winch d’avoir versé un pot de vin à un général de la junte birmane pour qu’il évacue par la force et rase entièrement un village karen, situé pile au-dessus d’un important gisement de métaux. Une opération qui s’est terminée en génocide… Et comme Largo était justement dans ce pays à ce moment-là, elle pense qu’il servait d’intermédiaire pour le compte du groupe…
La situation est épineuse pour le jeune milliardaire. Ses ennuis judiciaires font chuter le prix des actions du groupe, ce qui en fait une proie facile pour un de ses ennemis, un oligarque ukrainien un peu mafieux sur les bords. Et la procureure dispose de témoignages à charge convaincants. Largo ne dispose que de quelques jours pour se disculper et reprendre le contrôle…
Certains vont probablement arguer que tout ceci n’est pas très crédible. D’accord… Mais les Indiana Jones, c’est crédible? Et les James Bond? Ce n’est pas un documentaire, c’est juste l’adaptation d’une BD d’aventures…
L’important, c’est que l’action reste cohérente et bien rythmée. Et c’est une fois de plus le cas ici.
Tous les ingrédients du bon film d’action sont réunis : des péripéties variées et spectaculaires – poursuites automobiles, bagarres, fusillades et, clou du spectacle, une course-poursuite dans les airs, en chute libre – une dose de tragédie, quelques pointes d’humour, des seconds rôles attachants, des filles sexy – Sharon Stone, Napakpapha Nakprasitte (aussi connue sous le diminutif de Mamee, c’est plus simple), Weronica Rosati – quelques vraies/fausses trahisons, des méchants pas si méchants et des gentils pas si gentils, un héros stoïque en toutes circonstances et même un final très hitchcockien…
Au rayon des défauts, inhérents à ce type de film, une musique trop envahissante – même si signée Alexandre Desplats – et un début un peu rapide pour qui n’a pas vu le premier opus ou ne s’en souvient plus.
Par ailleurs, certains second rôles agacent un peu de par leur jeu d’acteur assez médiocre (le gros mafieux ukrainien, la journaliste de la scène inaugurale…) ou du fait qu’ils soient sous-exploités (Ulrich Tukur, entre autres…).
Mais les autres s’en sortent plutôt bien.
Sharon Stone reste toujours aussi sexy. Elle s’ingénie à croiser et décroiser souvent les jambes qu’à l’époque de Basic instinct (mais cette fois, elle a mis une culotte…) et est relativement convaincante en procureure tenace.
Nicolas Vaude reprend avec bonheur son rôle de majordome bavard et ultra-rigide et forme un duo amusant avec Olivier Barthélémy en apprenti-baroudeur fêtard et gaffeur.
Le regretté Laurent Terzieff est aussi de la partie, pour ce qui restera hélas comme son dernier emploi au cinéma.
Enfin, Tomer Sisley est une fois de plus convaincant, sobre, élégant, racé et suffisamment athlétique pour réaliser lui-même ses cascades.
Bref, Largo Winch II n’est pas un chef d’oeuvre du septième art, mais c’est un film d’aventures efficace, qui n’a rien à envier aux superproductions hollywoodiennes. Et, contrairement à ces dernières, il développe un argument politique – assez mince, certes, mais qui a le mérite d’exister : la dénonciation du massacre du peuple Karen au Myanmar et les pots-de-vin distribués par des multinationales à des dictateurs sanguinaires pour piller les ressources énergétiques ou minières de pays en souffrance, au mépris total des droits de l’Homme.
Comme quoi, il vaut mieux, parfois, oublier ses préjugés et se laisser porter par le plaisir de la découverte…
(1) : L’idée du personnage et de cet univers politico-financier était initialement prévu pour une BD, mais elle a d’abord été exploitée dans six romans (éditions Mercure de France, réédités en poche chez Milady) avant d’être enfin mis en bulles et en images par Philippe Francq, avec le succès que l’on connaît (éditions Dupuis).
(2) : “Largo Winch – T.7 : La Forteresse de Makiling” et “Largo Winch – T.8: L’Heure du tigre”
(3) : “Largo Winch – T.5. : H” et “Largo Winch T.6 : Dutch Connection” de Jean Van Hamme & Philippe Francq – éd. Dupuis
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Largo Winch II
Largo Winch II
Réalisateur : Jérôme Salle
Avec : Tomer Sisley, Sharon Stone, Laurent Terzieff, Nicolas Vaude, Napakpapha Nakprasitte, Ulrich Tukur
Origine : France, Belgique, Allemagne
Genre : aventures trépidantes
Durée : 1h59
Date de sortie France : 17/02/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Les Inrockuptibles
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