Martin (Félix Moati), étudiant en anthropologie, débarque en Indonésie pour finir une thèse sur les problèmes posés par la déforestation dans cette région du globe. Il s’intéresse notamment à une tribu de Dayak qui lutte pour défendre ses terres, dans la forêt primaire, contre la convoitise d’une grande exploitation agricole. Celle-ci cherche à les récupérer pour y implanter des palmeraies, afin de produire davantage d’huile de palme, ressource très convoitée par différentes industries. Et elle est prête à tout, y compris à user de menaces, de violences ou même de meurtres. Martin est témoin d’un raid contre un village, durant lequel un activiste est tué et une autre enlevée, et réussit à filmer la scène. Mais quand il essaie de quitter le pays pour fuir les représailles du commando de mercenaires au service de la firme, il est piégé par la police, qui l’arrête pour possession de stupéfiants. En Indonésie, le trafic de drogue est sévèrement condamné et passible potentiellement de la peine capitale.
En France, sa mère, Carole (Alexandra Lamy) entame un long combat pour obtenir sa libération, sollicitant l’aide de l’ambassade de France en Indonésie, représentée par Saïd (Sofian Khammes) et celle du gouvernement. Mais elle réalise que l’affaire est complexe, car le marché de l’huile de palme est un enjeu économique majeur pour de nombreux états – dont la France – et de puissants lobbies industriels.
Exploitant ce point de départ, Edouard Bergeon réalise un thriller plus ou moins efficace, évoquant autant Goliath que Force majeure. Il fait lentement monter la tension autour de Martin, d’abord confronté à la menace directe des hommes de main de la compagnie agricole, puis, pire, à l’étau de la justice indonésienne, corrompue et partiale, qui se resserre lentement sur lui. Autant le jeune homme pouvait se battre contre des ennemis bien identifiés, autant sa situation en prison le dépasse. La menace peut venir de n’importe qui. Des autres détenus, voyant en lui une proie facile, des matons, violents à l’excès, ou des politiciens, qui pourraient décider de le condamner à mort sur un coup de tête. Car il est désormais un pion dans une partie d’échecs géopolitique, impliquant le président indonésien, le gouvernement français, et de grands groupes internationaux.
De son côté, le personnage incarné par Alexandra Lamy – très bien dans ce rôle de mère combative, bien décidée à sauver son fils – découvre peu à peu ce qui se joue en coulisses, derrière la langue de bois des directeurs de cabinets et des ministres, ou les manipulations des lobbyistes, ce qui aide le cinéaste à créer une ambiance propice à la paranoïa.
Cependant, les rebondissements, peu crédibles, voire assez ridicules, à l’instar du dénouement, finissent par plomber le récit et gâcher tout ce qui avait patiemment été mis en place jusque-là.
Le message politique porté par le film suscite le même avis mitigé.
Evidemment, les bonnes intentions du cinéaste sont louables. Il cherche à sensibiliser le plus grand nombre au problème de la déforestation massive, au cas où certains n’auraient jamais entendu parler du ravage de la forêt amazonienne et des atteintes à la biodiversité, un peu partout sur la planète. Edouard Bergeon a aussi le mérite de dénoncer l’influence de certains lobbies et de certains grands groupes, qui, au nom du sacro-saint profit, facilitent des mesures ou des lois qui vont à l’encontre de la planète. Il est tout à fait pertinent quand il dénonce le scandale des biocarburants, notamment le choix de privilégier l’huile de palme produite en Indonésie plutôt que l’huile de colza produite en Europe. Le carburant “vert” mis en avant par les industriels ne l’est pas tant que cela, car si l’huile de palme est moins chère à produire, elle est très coûteuse en termes d’impact sur la biodiversité et sur le climat, la destruction des “poumons verts” de la planète aggravant le réchauffement climatique.
Mais on peut regretter que le traitement du sujet soit aussi manichéen. Ici, politiciens, lobbyistes, barbouzes et industriels sont décrits comme des types au mieux inconséquents, au pire froids et antipathiques et le surjeu de leurs interprètes n’arrange rien. Par exemple celui de Philippe Torreton, que l’on a connu plus inspiré.
Un tel sujet aurait mérité un traitement plus subtil, expliquant avec plus de finesse les enjeux économiques, politiques, sociaux, géostratégiques, et apportant un peu de nuances. Ici, le cinéaste pointe surtout du doigt les vilains groupes agricoles et cherche à faire culpabiliser les spectateurs qui achètent aveuglément des produits bourrés d’huile de palme. La scène où Alexandra Lamy se met à vider ses placards et jeter tout ce qui contient de la palme à la poubelle va dans ce sens et se veut sûrement un acte “engagé”, incitant le spectateur à en faire de même, mais elle est grotesque. Libre à chacun de boycotter tel ou tel produit parce qu’il contient de l’huile de palme, mais où s’arrêter? L’huile de palme est à la base de nombreux produits chimique d’origine naturelle, car elle est facile à cultiver. La remplacer par d’autres cultures ayant des rendements moindres, comme le cocotier, le colza ou le soja, aurait exactement les mêmes conséquences, à savoir de la déforestation ou l’accaparement de terres agricoles destinées à l’alimentation humaine pour un usage plus industriel. Et arrêter l’exploitation aurait également des conséquences sociales dans ces pays d’Asie du Sud-Est, puisqu’elle est source d’emploi pour des milliers de travailleurs locaux. Evidemment, il convient de lutter pour une exploitation plus vertueuse et plus diversifiée, préservant les écosystèmes, en renforçant les initiatives existantes et en veillant à l’aspect durable des filières. Mais il convient aussi et surtout de s’interroger sur la surconsommation des ressources naturelles de la planète, sur les inégalités entre les niveaux de vie entre les différentes zones de la planète, sur les dérives du capitalisme ultralibéral qui facilite cette exploitation aveugle.
On aurait aimé que le film propose d’autres solutions au problème que ce boycott simpliste ou, à défaut, qu’il décrive plus en détails les rouages de ce système. Il est dommage, par exemple, d’avoir sacrifié en route certains personnages qui auraient pu partager des points de vue alternatifs : le responsable de l’ONG, l’activiste dayak, l’homme de main…
Au global, le film n’est pas inintéressant, mais laisse une impression d’inachevé. Peut-être, après Au nom de la terre, premier long-métrage bouleversant, attendait-on trop de la part du cinéaste… Gageons qu’il saura se relever et signer d’autres longs-métrages tout aussi engagés, mais mieux maîtrisés.
La Promesse verte
La Promesse verte
Réalisateur : Edouard Bergeon
Interprètes : Alexandra Lamy, Félix Moati, Sofian Khammes, Philippe Torreton, Julie Chen, Antoine Bertrand, Adam Fitzgerald, David Chin, Thomas Jeandheur, Olivier Ythier
Genre : Drame écologiste
Origine : France
Durée : 2h04
Date de sortie France : 27 mars 2024
Contrepoints critiques :
”Après Au nom de la terre et le documentaire L’Amour vache, Edouard Bergeon démontre que son engagement écologiste n’a pas de frontières. Il choisit la forme d’un thriller pour faire passer le message et révéler ce que nous réserve l’avenir si on n’y rend pas garde.”
(Caroline Vié – 20 mn)
”Avec beaucoup de tension, mais aussi de sensibilité, La Promesse verte met en lumière les enjeux écologiques, politiques et économiques liés à la déforestation.”
(Alexandra Gardes – France Info)
”Et quand bien même cette missive est indiscutablement nécessaire et les velléités des scénaristes louables, il y avait probablement un autre équilibre à trouver, loin de ces clichés entassés qui réduisent le débat à celui de deux alcooliques en fin de soirée.”
(Christophe Brangé – Abus de ciné)
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