Marianne Chaud est ethnologue. Elle a consacré son doctorat aux habitants de la région himalayenne du Ladakh-Zanskar, en Inde. Elle a appris leur langue, leur culture, leurs coutumes, leurs règles sociales et a noué des liens forts avec eux, ce qui l’a poussée à revenir régulièrement partager leur vie. Au cours de ces séjours, elle a filmé trois documentaires, tous primés dans des festivals. En 2008, elle a signé Himalaya, la terre des femmes, qui s’intéressait à quatre générations de femmes agricultrices dans un village isolé de la région du Zanskar. En 2009, elle a tourné Himalaya le chemin du Ciel, axé sur des enfants-moines dans une communautés bouddhiste vivant à flanc de montagne dans la même région désertique.
Cette fois-ci, avec La Nuit nomade, elle a décidé de participer à ce qui est très probablement l’une des dernières transhumances d’une tribu de nomades sur les Hauts-plateaux du Karnak.

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La cinéaste est restée fidèle à sa méthode habituelle. Elle s’est intégrée à la communauté et a vécu avec elle pendant toute la migration, en parlant avec les gens dans leur propre langue, en plaisantant avec eux, en participant aussi aux tâches de la vie quotidienne, et finalement, elle est parvenue à nouer une relation de confiance propice aux confidences.

Devant sa caméra, quatre personnes abordent la problématique majeure qui préoccupe leur tribu de bergers nomades : rester fidèle à ce mode de vie, ce métier, ces terres, ou tout plaquer pour s’installer en ville et tenter une vie sédentaire.
L’existence de ces bergers nomades est rude. Ils vivent à une altitude extrême, dans des conditions climatiques éprouvantes, dans un milieu hostile où leur sécurité et celle de leurs troupeaux est souvent menacée. Tout cela pour gagner des sommes de plus en plus dérisoires, les acheteurs de laine et de viande baissant diminuant chaque année un peu plus les prix pour rester compétitifs dans un contexte de concurrence économique mondialisé. 
Beaucoup de bergers, et notamment les plus jeunes d’entre eux, se lassent de cette vie de labeur peu rémunératrice et inconfortable. Ils aspirent à mieux, pour eux et leurs enfants.

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Toldan et Dholma, un couple de bergers, ont décidé d’arrêter après une ultime migration. S’ils arrivent à tirer un bon prix de leurs moutons, ils pourront s’installer en ville. Là, ils espèrent que leurs enfants pourront faire des études, devenir médecins ou enseignants. Mais si la décision est ferme et définitive, elle n’a pas été aisée à prendre. Quitter cette vie, c’est quitter le troupeau, ces animaux qu’ils ont élevé, auxquels ils se sont attachés – la scène où ils tentent de récupérer un peu de laine sur chacun de leurs moutons avant de les vendre est assez poignante – et quitter les autres membres de la tribu pour partir vers l’inconnu…

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Le jeune Kenrap aimerait lui aussi tenter sa chance en ville, histoire de bénéficier du confort moderne et de nouvelles opportunités de carrière. Cependant, il sait que cela contrarierait son père, Tundup, amoureux des montagnes et attaché à son mode de vie nomade, et que cela rendrait la vie encore plus difficile pour le vieil homme. 
Pour pouvoir supporter les conditions de vie difficiles lors de la transhumance, les bergers doivent s’appuyer sur le collectif et la solidarité, mais chaque année de nouvelles familles quittent la tribu pour ne jamais revenir, et ne sont évidemment pas remplacées. Du coup, le travail est encore plus compliqué, plus difficile, ce qui décourage d’autres bergers, et ainsi de suite. Un vrai cercle vicieux… 

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Marianne Chaud ne porte aucun jugement de valeur sur les décisions prises par les sujets de son documentaire. Elle respecte autant le choix de rester que celui de partir. De toute façon, elle s’avoue incapable de donner le moindre conseil aux nomades qui sollicitent son opinion.
Chaque mode de vie présente des avantages et des inconvénients. Les bergers doivent faire face à des conditions de travail de plus en plus rudes et gagnent trop peu d’argent pour assurer une vie décente à leurs enfants. De quoi décourager même les plus opiniâtres d’entre eux.
Mais d’un autre côté, leur avenir en ville n’est pas forcément plus reluisant. Il faut se loger, et les appartements, même les plus exigus, sont évidemment plus coûteux. Et il faut trouver un emploi, ce qui est loin d’être simple quand on n’a ni diplôme ni qualification. Ceux qui parviennent à se réinsérer ne peuvent espérer mieux que travailler comme ouvriers du bâtiment…
Cela dit, tous ces nomades savent que leur mode de vie est condamné à court ou moyen terme. Leur communauté se restreint d’année en année. Sans la force du groupe, ils ont de plus en plus de mal à s’organiser. Et pour couronner le tout, ils sont tributaires des acheteurs qui, de plus en plus, tirent vers le bas les prix de la laine et de la viande.

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Chacun est libre d’y voir – ou non – une critique de l’économie de marché mondialisée qui passe comme un rouleau-compresseur sur des zones économiques locales, qui impose une existence citadine citadin et provoque l’exode rural, qui pousse à l’individualisme au dépens du collectif.
Mais La Nuit nomade est avant tout un beau film, empreint d’une certaine mélancolie, sur la fin d’un monde, celui d’un peuple et de ses traditions. Le monde change, les sociétés évoluent et personne n’y peut rien. La seule chose qu’il est possible de faire, c’est de préserver la mémoire de cette communauté et de son mode de vie. La caméra de Marianne Chaud parvient admirablement à capter la beauté et la rudesse de cette existence en communion avec la nature, dans des paysages himalayens majestueux. Elle enregistre avec pudeur et sensibilité les visages et les voix de ces derniers représentants d’un peuple en voie d’extinction. Et c’est terriblement émouvant.

Non, on n’est pas prêt d’oublier la tristesse de Toldan et Dholma au moment où ils abandonnent leur troupeau, ni l’opiniâtreté de Tundup, qui s’accrochent vaille que vaille à ses montagnes. Grâce à ce documentaire, ce témoignage, leur communauté ne s’éteindra pas complètement…

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La nuit nomade La Nuit nomade
La Nuit Nomade

Réalisatrice : Marianne Chaud 
Avec : Toldan, Dholma, Tundup, Kenrap et les bergers nomades des hauts-plateaux du Karnak. 
Origine : France
Genre : documentaire 
Durée : 1h25

Date de sortie France : 04/04/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Studio ciné-live

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1 COMMENT

  1. Bonjour,
    Quel devrait être le revenu d’un nomade pour qu’il vive dignement en continuant à mener leur vie ?
    Combien ceux qui partent en ville gagnent-ils ?
    Très touché par ce peuple nomade je pense qu’en leur procurant un petit revenu digne, ils pourraient peut-être continuer à vivre dans leur habitat ??
    Salutations

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