Présenté en 2009 au festival du film policier de Beaune, Helen (autopsie d’une disparition), a dérouté plus d’un spectateur.
Il faut dire que le premier long-métrage de Christine Molloy et Joe Lawlor n’a rien d’un polar conventionnel, tant sur le fond que sur la forme.

Le début du film repose bien sur une intrigue policière. Il y est question de l’inquiétante disparition d’une adolescente dans une petite ville britannique (1).
La dernière fois que Joy a été vue vivante, c’était dans le grand parc voisin, où elle a abandonné quelques camarades de classe pour rentrer seule. Depuis, plus un signe de vie… On a même retrouvé, dans le bois jouxtant le parc, son sac et son manteau jaune.

Fugue ? Enlèvement ? Meurtre ? La police, peu optimiste, enquête et tente de retracer le parcours de la jeune fille juste avant sa disparition. Pour cela, elle organise un casting pour recruter une doublure, qui incarnera  l’adolescente lors de la reconstitution des faits. C’est Helen, une camarade de la victime présumée, solitaire et taiseuse, qui est choisie pour l’incarner.

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A partir de ce moment-là, le film se désintéresse complètement de l’enquête pour se focaliser sur une autre intrigue : les raisons qui poussent Helen, jeune fille timide, secrète, taiseuse, à s’accaparer totalement l’identité de la disparue. Coiffée comme elle, vêtue comme elle, elle se transforme peu à peu, se fond totalement dans la peau de celle qu’elle est supposée incarner. Elle y est encouragée indirectement par les parents de Joy, sous le choc, qui transfèrent leur affection sur elle et n’ont à son intention que de délicats égards. Il y a une sorte de fascination d’Helen pour cet univers familial bourgeois, car elle vient d’un milieu plus modeste et n’est pas entourée, chez elle, de la même attention. Les éléments distillés par le scénario ne donnent pas d’indices pour retrouver la jeune fille disparue, mais pour comprendre qui est Helen, quels sont ses manques, quelles sont ses aspirations profondes. 
La véritable enquête est intime, psychologique, métaphysique…

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La mise en scène crée une ambiance très particulière, évanescente, troublante, étrange, grâce à ses longs – et magnifiques – plans-séquences, ses travellings latéraux. Elle évoque, entre autres  le travail de Gus Van Sant dans Elephant ou celui de Peter Weir dans Pique-Nique à Hanging Rock.
La comparaison n’est pas fortuite, car ces deux films traitaient eux-aussi, à leur manière, de disparitions mystérieuses et des affres de l’adolescence.
Car oui, on peut aussi voir le film comme une allégorie du malaise adolescent au sens large, une évocation subtile de cet âge où l’on se cherche, où l’on se forge une identité, avec ses propres expériences ou en cherchant à copier des modèles. La vraie disparition du film, c’est peut-être celle de l’enfance, qui se perd dans les bois (lieu hautement symbolique dans les contes de fées) pour être remplacé par l’âge adulte.
Le prénom de la disparue, Joy (“joie” en anglais) apporte du crédit à cette interprétation. “Joy is missing” : Effectivement, dans ce film froid, atone, pesant, toute trace de joie, de félicité, a disparu. Le collège, normalement un lieu de vie, d’agitation, d’effervescence, est curieusement silencieux, mortifère.
On peut y voir la métaphore de la perte de l’insouciance enfantine pour un univers plus grave, plus sérieux. Ou bien une critique sociale déguisée, le constat d’une jeunesse britannique en perte totale de repères.
Comme pour perdre encore plus les spectateurs, tout, dans Helen, peut donner lieu à interprétation. Comme lors d’une psychanalyse… Les cinéastes jouent d’ailleurs avec la notion de “rêve”  – les envies d’Helen quant à sa vie future, ses ambitions,etc…, et l’ambiance étrange, quasi onirique, dans laquelle baigne le film. On notera par ailleurs la référence, via la pièce que les lycéen sont en train de monter, au Brigadoon de Vincente Minelli. Un film fortement onirique et psychanalytique…

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Evidemment, l’absence d’intrigue à proprement parler et la mise en scène, lente et contemplative, ne plairont pas à tout le monde. Mais pour qui acceptera de se laisser porter par la mise en scène et le jeu discret de la jeune actrice, Annie Townsend, l’envoûtement est garanti. Le film a d’ailleurs fait le bonheur de nombreux festivals (Premiers plans d’Angers, Festival de Rotterdam, Festival de Dinard…) où ses qualités artistiques ont été dûment récompensées.
Ici, on aime beaucoup, et on vous encourage vivement à tenter l’expérience… 

(1) : Les deux metteurs en scène avaient précédemment réalisé un court-métrage intitulé Joy, centré autour d’un officier de police chargé de rassurer la famille d’une lycéenne disparue et d’organiser la reconstitution des derniers mouvements de la jeune femme. Ce petit film faisait partie d’une série, Civic life, entièrement écrite par les deux cinéastes. C’est ce travail qui est à l’origine de Helen (autopsie d’une disparition). Il en constitue à la fois le prologue et le brouillon.

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HelenHelen (autopsie d’une disparition)
Helen

Réalisateur : Christine Molloy, Joe Lawlor 
Avec : Annie Townsend, Sonia Saville, David Groenland, Sandie Malia, Marti Williams 
Origine : Eire, Royaume-Uni
Genre :  faux polar & enquête introspective 
Durée : 1h19
Date de sortie France : 07/04/2010

Note pour ce film : ●●●●●● 

contrepoint critique chez :  Evene.fr

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3 COMMENTS

  1. Et voilà, première critique lue chez toi et premier lien inséré dans le Palmarès. Espérons que ce film sera vu par d’autres. En tous cas, il m’intrigue.

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