Pour le dernier jour de ma mission, je pus assister sans trop de stress aux projections puisque apparemment, la foule avait déserté les alentours du Cap Cinéma. Sans doute effrayée par un vent glacial, à décorner un boeuf… bourguignon bien sûr…
Je démarrai la journée avec le dernier film de la compétition, Monga, l’histoire d’un adolescent entraîné dans l’univers des gangs de Taïwan et une histoire de partage du pouvoir, de trahisons, de vengeances… Je trouvai cela pas mal, mais un peu trop long (2h20, quand même…). Le jury, lui, sembla moins apprécier : certains baillèrent, d’autres, comme Catherine Jacob, quittèrent la salle avant la fin du film. Apparemment, Dans ses yeux tenait toujours la corde pour le grand prix du festival…
Je pus ensuite me concentrer sur la section Sang Neuf. Déjà en pénétrant dans The Killing room de Jonathan Liebesman… Un film porté par une idée de scénario intéressante – un huis clos façon Cube, dans lequel quatre personnes se retrouvent piégées dans une pièce blanche, cobayes d’une expérience psychologique qui fait peu de cas de la vie humaine – mais qui tourne assez rapidement à vide, n’exploitant pas l’opposition de caractères des personnages. C’est trop lisse, et du coup, il est difficile d’adhérer au message de l’oeuvre, qui dénonce les expériences secrètes de l’armée américaine en matière de manipulation mentale…
Ensuite, j’eus l’embarras du choix entre Téhéran, If I want to whistle, I whistle et Loin d’Eden. Encore émoustillé par la vision fugace de la belle Olga, j’optai pour la dernière option. Je ne le regrettai pas : Malgré une image DV assez laide, le film est bien mené et offre à l’actrice ukrainienne l’occasion de mettre en avant non pas sa plastique avantageuse, mais ses talents d’actrice, bien réels…
Ma mission touchait à sa fin. Il me fallait accomplir une dernière incursion au-delà des “lignes ennemies”. La cérémonie de clôture n’était accessible que sur invitation. Il me fallut patienter pendant plus d’une heure en plein vent, frigorifié, avant que les organisateurs ne laissent une poignée de spectateurs triés sur le volet occuper les fauteuils laissés vacants par certains invités.
Nous fûmes accueillis par le Maire de Beaune, en pleine forme, malgré ses allers-retours incessants sur le tapis rouge, pour accompagner “ses” stars jusqu’aux salles. Il se fit plaisir avec un grand discours de remerciements au Public Système Cinéma, au personnel d’accueils, aux employés municipaux, aux sponsors, aux invités, mais pas au public… Après ce long laïus, il était grand temps de passer aux remises de trophées.
Le jury Sang Neuf de Sam Karman ouvrit le bal en clamant haut et fort son admiration pour le film roumain If I want to whistle, I whistle et son jeune acteur. Je sentis ma gorge se nouer. Comme de bien entendu, le film était l’un des deux seuls que je n’avais pas vu dans cette section, et je l’avais honteusement raté pour voir un très mauvais film. Je risquai fort de me faire éparpiller façon puzzle par le Big Boustoune…
Heureusement, la suite du palmarès allait être plus simple, puisque j’avais vu tous les films de la compétition officielle.
Le jury de la presse, emmené par la sympathique Caroline Vié, attribua son prix au très bon The Killer inside me de Michael Winterbottom.
Puis, la commissaire divisionnaire Danielle Thierry, après un petit speech plein d’humour, annonça que le prix spécial police était attribué à Dans ses yeux de Juan José Campanella.
Don Lionel Chouchan fit lui aussi un petit discours de remerciements, pour les invités, pour son équipe, pour David Rault, pour Bruno Barde, mais pas pour le public (décidemment…).
Il céda la parole au président du jury, Olivier Marchal, qui remercia tout le monde, y compris le public (ouf!) et ironisa sur ses camarades du jury de la police, ses ex-collègues, en les qualifiant non pas d’élite de la police, mais “des litres” de la police, rapport à leur consommation conjointe de grands crus de la côte beaunoise…
Il redevint un peu sérieux pour remettre le prix du jury à Backyard, de Carlos Carrera. Une décision qui, de son propre aveu, fût difficile à prendre, entraînant d’âpres discussions entre membres du jury, avec notamment une Catherine Jacob bataillant bec et ongles pour ses préférés. Il cita les deux autres films qui auraient eux-aussi mérité de figurer au palmarès : The Killer inside me et Dossier K, mais qui repartirent bredouille.
Ceci ne laissait guère planer de doute sur le titre du Grand prix de ce second festival : Dans ses yeux de Juan José Campanella.
Pas immérité, même si la sélection était globalement de qualité homogène cette année…
Le jury s’était acquitté de sa tâche – avec d’autant plus de mérite qu’il avait vu la plupart des films avec un taux d’alcoolémie avancé – et put donc quitter la ville après les traditionnelles photos de famille post festival.
Pour ma part, je n’en avais pas encore tout à fait terminé. Je me glissai dans une des salles du cinéma pour un ultime film, L’élite de Brooklyn d’Antoine Fuqua. J’avais un peu d’appréhension au moment de découvrir le nouveau long-métrage d’un cinéaste réputé n’être qu’un simple tâcheron hollywoodien. Mais très vite, je ravalai mes préjugés et me laissai porter par ce qui constituât une excellente surprise. Il s’agit d’un film policier au sens strict, qui suit les destins croisés de plusieurs flics de Philadelphie dans l’exercice de leurs fonctions, et surtout dans les à-côtés du travail : la solitude, l’angoisse de la retraite, la paie insuffisante alors que les truands et les trafiquants brassent des sommes indécentes… Le scénario évoque les romans d’Ed Mc Bain et des films comme Les flics ne dorment pas la nuit. De façon assez surprenante, la structure ambitieuse de film-choral tient la route, grâce à une mise en scène et un montage efficaces. Enfin, les acteurs du film sont tous excellents, d’Ethan Hawke – à qui le noir va très bien – à Don Cheaddle, de Richard Gere à Wesley Snippes…
Je bouclai donc le festival sur une note très positive. Je pouvais aller retrouver mon chef la tête haute, le sentiment du devoir accompli. Boustoune, grand seigneur, honora sa promesse, il me versa de quoi éponger mes dettes et retourner à Paris, en me promettant de faire encore appel à moi pour servir Angle[s] de vue, à condition que je puisse livrer dès le lendemain toutes mes critiques à la rédaction parisienne du site.
Je pus me coucher avec le coeur plein d’allégresse, mais aussi une pointe de mélancolie, car ce joli festival était terminé et il me fallait quitter la belle cité bourguignonne, ses restaus raffinés, ses caves accueillantes, ses remparts charmants, pour retrouver le smog parisien…