La nuit de repos, suivie d’une bonne douche revigorante et d’un copieux petit déjeuner, fut bénéfique. Je profitai de ce début de matinée pour mettre mes notes à jour concernant les films de la veille.
Dehors, le soleil avait fait son grand retour, mais je n’aurais guère le temps d’en profiter puisque le planning des projections du jour était une nouvelle fois bien chargé, avec cinq films au programme…
Pour ouvrir le bal, j’ouvris le Dossier K, un film belge de Jan Verheyen, d’après un roman de Jef Geeraerts, l’auteur de l’excellent La mémoire du tueur.
Le film, prenant, efficace et intéressant, traite des problèmes liés à la communauté albanaise en Belgique, et notamment des clans mafieux s’affrontant dans des luttes fratricides sanglantes, au nom de règles ancestrales sur l’honneur et la vengeance regroupées dans un ouvrage du nom de « Kanun ».
A l’occasion, je rencontrai l’acteur principal, Koen de Bouw, venu de Flandres pour défendre le film.
Lui avait pu arriver dans les délais, ce qui ne fut pas le cas de l’équipe du polar iranien Téhéran, retardée à cause des grèves de train.
En conséquence, la projection du film, en début d’après-midi, fut annulée, et je dus me résoudre à faire une croix dessus, les projections ultérieures ne collant plus avec mon planning. J’eus ainsi un nouveau motif pour pester contre la SNCF et les cheminots grévistes prenant en otage le pays.
Pour me remettre de cette frustration, je m’offris un petit plaisir en allant déjeuner dans l’un des meilleurs restaurants de la ville, La Part des Anges. (1) Les plats présentés me ravirent les yeux, les saveurs proposées firent le bonheur de mon palais : cannelloni de foie gras au piment d’Espelette, Velouté de fruits de mer aux herbes – avec un verre de Mâcon blanc – Noix de Saint Jacques rôties aux kumquats confits – avec un verre d’un excellent Bouzeron blanc – Nem de pigeon sur lit de choux rouge, plateau de fromages locaux, dont l’inévitable et délicieux Epoisses – avec un verre de Hautes Côtes de Nuits rouge – et une merveilleuse déclinaison de desserts sur le thème du grand Marnier.
Parfaitement repu, l’esprit un peu embrumé par les vapeurs d’alcool, je regagnai la salle de projection. Là, je n’avais pas besoin d’être à mon maximum d’attention, puisqu’il s’agissait de la reprise d’un vieux film de Claude Lelouch, La Bonne année.
Françoise Fabian, l’actrice principale, vint nous le présenter en quelques mots, parlant avec émotion de sa complicité avec Lino Ventura et Charles Gérard, aujourd’hui décédés.
J’enchaînai avec un nouveau film en compétition, La disparition d’Alice Creed, un huis-clos pour trois personnages assez bien ficelé et prenant. Je ne peux hélas vous en dire plus, le cinéaste nous ayant intimé l’ordre de garder le silence sur l’intrigue et ses différents rebondissements. Disons juste que tout tourne autour de l’enlèvement d’une jeune femme par deux gangsters… Et que le résultat n’est pas mal, à défaut d’être totalement brillant.
Je sortis assez vite de la salle pour me remettre dans la file d’attente, ne me laissant même pas distraire par la présence dans les lieux de la belle ukrainienne Olga Kurylenko (la James Bond girl de Quantum of Solace).
Je subodorai en effet que la séance suivante, consacrée à la remise des prix littéraires du polar, serait difficile d’accès. Quel flair! Nous partîmes cinq-cents cinéphiles (enfin presque…), nous ne fûmes qu’une petite quarantaine à accéder à la séance…
Je pus donc voir Thomas Chabrol remettre le prix du Masque à “Et on dévorera leur coeur ” de Sylvain Blanchot (2) puis Laurent Chalumeau, auteur d’un discours fort désobligeant pour Mimie Mathy – du moins, j’imagine que “l’héroïne de téléfilm de TF1 blonde à la verticalité contrariée”, faisait allusion à elle – remettre le prix du roman noir étranger à “Souvenez-vous de moi” (3) de Richard Price et le prix du roman noir francophone à “Les cœurs déchiquetés” de Hervé Le Corre (4).
La projection fut suivie d’un nouveau film en compétition, italien celui-là. La Doppia Hora est une oeuvre étrange, entre fantastique et suspense hitchcockien. Très torturé et tarabiscoté pour déboucher sur une résolution d’intrigue assez simple, et un peu frustrante.
Je bouclai la journée sur un choix cornélien : aller voir le film roumain de la section Sang neuf, If I want to whistle, I whistle ou le thriller hollywoodien Que justice soit faite de F.Gary Gray. Un peu las, je choisis la seconde option.
Très mauvaise inspiration. Après le bouzeron est venue la bouse ronde : le film en question fut sans conteste le pire du festival. Un nanar absolument infect, porté par une idéologie plus que douteuse sur le recours à la peine capitale, la vengeance et la justice expéditive, truffé de scènes de violence et de sadisme gratuits, le tout emballé dans un scénario absolument pas crédible. Un scientifique eut-il mis la chose en équation, cela aurait donné Saw 6 + Le Justicier dans la ville = Que justice soit faite…
Je rentrai à l’hôtel en fulminant contre mon manque de discernement et en réclamant que justice soit faite contre ce film nullissime…
(1) : La Part des Anges – 24 buis rue d’Alsace – 21200 Beaune
(2) : “Et on dévora leur coeur” de Sylvain Blanchot – éd. Le Masque
(3) : “Souvenez-vous de moi” de Richard Price – éd. Presses de la cité
(4) : “Les coeurs déchiquetés” de Hervé Le Corre – éd. Rivages