Je dégottai de quoi prendre des notes, ainsi qu’un petit dictaphone pour réaliser mes interviews. Enfin, je trouvai un petit hôtel à proximité des salles de cinéma, à un prix abordable : Au Grand Saint-Jean (1).
Tout était prêt pour le jour J, l’ouverture du 2ème Festival du film policier de Beaune.
Tout était prêt pour le jour J, l’ouverture du 2ème Festival du film policier de Beaune.
Je me rendis sur les lieux (2) et compris très vite l’ampleur de la tâche qui m’attendait.
Le cinéma était tenu par un gang de mafiosi parisiens, la bande du Public Système Cinéma. Ses parrains étaient parmi les gens les plus respectés du milieu. Un sage, Don Lionel Chouchan et un chien fou connu sous le nom du “Barde” – pas franchement un Assurancetourix, si vous voyez ce que je veux dire…
Pour pouvoir démarrer ma mission, il allait me falloir infiltrer l’une des deux salles où se déroulaient la cérémonie d’ouverture, gardées par des cerbères à l’air peu engageant.
© Site officiel du festival
Je parvins à obtenir un Pass Festival pour la modique somme de 30€, espérant que cela suffirait pour rentrer dans la place. Me glissant à l’entrée du cinéma, j’attendis sagement le passage de quelques-uns des clans qui dominaient le paysage cinématographique hexagonal :
La bande du Grand Jury, avec Marie “la belge” Gillain, Marilyne Canto (prénom de sex-symbol et patronyme de footballeur), Guy Lecluyse, Gilbert Melki, François-Xavier Demaison et leur chef à tous Olivier Marchal, le “marshal” un ex-flic converti, devenu un des plus influents meneurs du milieu.
Le gang des “109”, dont je ne comptai que six membres avant de réaliser que leur nom exact était les “Sang Neuf”, mené par un grand type bizarre, Sam Karmann, et comptant dans ses rangs une bombe, Cécile Cassel, la demi-soeur de Vincent “c’est à moi qu’tu parles ?” Cassel, un Chalumeau (Laurent de son prénom), deux autres écrivains/journalistes, Philippe Lefait et Stéphane Bourgoin et un acteur, Clément Sibony.
La section « spécial police », composée de flics probablement ripoux, à l’image de leur chef, la commissaire divisionnaire honoraire Danielle Thierry.
Et, last but not least, le cartel des américains, puisque Don Chouchan et le Barde avaient fait appel, pour l’occasion, à un truand noir américain, un justicier de Harlem, héritier de Shaft et consorts : Samuel Leroy Jackson.
© Laurent Olivier
A force de patience et de persuasion, usant de mon charme encore vivace, j’arrivai à rentrer dans les lieux. Sagement installé dans mon fauteuil, j’attendis avec impatience l’ouverture officielle des festivités. Mais avant cela, il y eut le discours introductif de Don Chouchan, tout en humilité, qui souhaitait recevoir un large public pour ce sommet du film noir, un autre du plus haut dignitaire de la ville, Alain Suguenot, et un dernier de l’invité d’honneur de la manifestation, l’ami américain Samuel L. Jackson.
Quel charisme ce gars! Regard de braise, musculature impressionnante et sourire carnassier… Un fulltime killer. Un tigre qui se parfume à la dynamite…
La lumière s’éteignit brusquement, mais, après de brèves sueurs froides, nous fûmes soulagés de constater que c’était pour lancer la projection du premier film de la compétition : Petits meurtres à l’anglaise de Jonathan Lynn.
Premier plan : un grand moustachu entre dans un immeuble en répétant ses leçons de français “Je donne, je donnais, j’ai donné”. Un gars est défenestré juste après. Le moustachu ressort en balançant ironiquement “Je vole, je volais, j’ai volé…”. Très drôle…
Seconde scène : le même bonhomme, Victor Maynard, nous annonce qu’il adore les vins de Bourgogne, un verre de Gevrey Chambertin à la main…
Après avoir salivé d’envie devant le joli breuvage, je me concentrai sur le film.
Victor Maynard… Le nom me disait quelque chose… Soudain, je compris. Derrière ce titre français assez idiot se dissimulait Wild Target, le remake de Cible émouvante, de Pierre Salvadori.
Je fulminai… Essayait-on de tester mes capacités? Je m’apprêtais à dégainer les armes et dézinguer cette copie qui ne pouvait être que pâle par rapport à l’original.
Pourtant, au fur et à mesure, je me laissai conquérir par le ton du film, empli d’un humour sooooo british. Ce remake, bien qu’inférieur au film dont il était tiré, avait quand même un certain charme. Il avait surtout la chance d’être joué par l’excellent Bill Nighy, dont l’allure filiforme un peu raide et l’humour pince-sans-rire conviennent parfaitement au personnage jadis incarné par Rochefort.
Je sortis de là le sourire aux lèvres, un énorme appétit de cinéma et l’envie de boire un verre de Gevrey-Chambertin. Bref, ma mission commençait sous les meilleurs auspices… de Beaune bien sûr…
(1) : Au Grand Saint-Jean/Brit hôtel – 18, rue du Fbg Madeleine – 21200 Beaune
(2) : Cap Cinéma – 13 bis rue du Maréchal Joffre – 21200 Beaune