J’arrivai en gare de Beaune dans la matinée.
Immédiatement, je me précipitai vers le panneau d’informations, afin de trouver un train me ramenant illico presto à Paname. Las! Plus aucune locomotive ne circulerait ce jour-là. J’étais bel et bien coincé dans la vieille ville, condamné à errer au moins vingt-quatre heures le long des remparts, en évitant soigneusement caveaux de dégustation et boutiques de négociants…
Alors que je déambulais sur les pavés humides, une averse s’abattit sur la cité. Je me réfugiai dans une auberge, sobrement appelée L’Auberge Bourguignonne (1)
Immédiatement, je fus pris en charge par des serveurs, qui m’installèrent à une table, dans un cadre cosy et raffiné. On me servit des mets savoureux, dont un jambon persillé maison fondant et goûteux et une charlotte aux pommes succulente… Et un verre généreux de Beaune 1er cru… La robe rouge-violacée du breuvage me ravit les yeux. Je pris le verre et le humai. Des arômes délicats, subtils, de vin en pleine maturité vinrent me chatouiller les narines, m’invitant à porter le verre à mes lèvres. Je bus une gorgée du liquide et je sus immédiatement que j’étais de nouveau prisonnier de mes vieux démons.
Je passai l’après-midi à errer de cave en cave, tel un vampire. De dégustation en dégustation – horizontale, verticale, oblique – j’escaladai encore et encore les Côtes de Beaune, m’attaquai ensuite à celles de Nuits. Je me fis presque une luxation à force de lever le coude.
L’esprit embrumé, je réussis je ne sais comment – sans doute alléché par le fumet délicat de la cuisine, à entrer dans un petit bistrot appelé Le comptoir des tontons (2).
Le propriétaire, Richard, était un admirateur du film de Lautner, Les Tontons flingueurs. Il semblait d’ailleurs en être l’un des personnages : C’était un homme bourru mais généreux, un peu façon Bernard Blier, qui s’occupait du service tandis que sa compagne Pépita s’activait aux fourneaux. Affamé, je commandai un menu Bourguignon revisité : soufflé à l’ami du Chambertin, escargots en entrée, puis un boeuf bourguignon absolument sublime, moelleux, fondant, épicé de façon totalement originale. Un régal pour les sens.
Encore sous le coup de mes pérégrinations souterraines, et sous le choc gustatif de ce plat si goûteux, je perdis les pédales et commandai une bouteille de Romanée-Conti, réputé pour être le vin le plus cher du monde…
Je me retrouvai soudain ruiné, endetté jusqu’au cou. Il fallait absolument que je retrouve du travail d’urgence, ici même.
Je proposai au patron de le seconder dans son petit restaurant, mais il me dit franchement que ce n’était pas une très bonne idée, vu mon incapacité chronique à résister à l’appel de Bacchus.
Il m’offrit un petit verre du vitriol trois étoiles à l’alambic de Joe le trembleur, dans lequel, vous aurez beau dire, y a pas que d’la pomme…
Le breuvage eut pour effet de me remettre les idées en place. Nous bavardâmes encore un peu, de cinéma notamment. Il me parla du Festival du film de policier de Beaune, 2ème édition, qui allait justement ouvrir ses portes. Je lui appris que j’étais un critique de films au chômage. Il me conseilla alors d’aller m’adresser à Mister Boustoune, “the big B.”, qui tenait un petit site cinéphile clandestin nommé Angle[s] de vue.
En interrogeant quelques personnes, j’arrivai finalement à trouver la trace du bonhomme. C’était un gars extrêmement charismatique, d’une beauté éclatante, d’un charme fou, doté d’un humour ravageur et d’une intelligence hors du commun. Et très humble malgré tout (3).
(C’est lui sur la photo – comment ça c’est pas crédible? Parce que Rob Gordon ressemble à John Cusak peut-être?… Pfff…)
Nous sympathisâmes très vite, et, conscient de la situation délicate dans laquelle je me trouvais, il m’offrit une mission très bien rémunérée : couvrir pour le site le festival du film policier et donner mes impressions au jour le jour.
A priori un job facile… Il me prévint tout de même de quelques obstacles : puisque le site était totalement amateur, je ne pouvais pas obtenir d’accréditation presse et il me faudrait ruser pour pouvoir m’incruster dans la place, bien gardée par des vigiles surentraînés, armés jusqu’aux dents…
De toute façon, je n’avais pas le choix : j’acceptai le contrat, excité et angoissé à la fois…
(1) : L’Auberge Bourguignonne – 4, place de Madeleine – 21200 Beaune
(2) : Le Comptoir des Tontons – 22 rue du Faubourg Madeleine – 21200 Beaune
(3) : Ben oui, quoi. Quitte à romancer un peu…