A bicyclette En septembre 2022, Youri Mlekuz, a mis fin à ses jours. Il n’avait que vingt-huit ans et sa disparition a évidemment été vécue comme un choc par ses proches, ses parents, son frère cadet Josef, et tous les amis de la famille.
Pour lui rendre hommage et le faire revivre un peu, son père, le comédien et réalisateur Mathias Mlekuz a décidé de se lancer dans le même périple que le jeune homme avait fait, cinq ans auparavant, un circuit à bicyclette partant de La Rochelle pour traverser l’Europe jusqu’en Turquie. Ce voyage avait rendu heureux Youri, au moins pour un temps. Il lui avait permis de rencontrer une jeune iranienne, Marzi, avec qui il a passé des moments inoubliables.
A la date anniversaire de la mort de son fils, Mathias Mlekuz se lance donc dans cette drôle d’aventure à vélo, avec quelques sacs et une tente de camping. Mais, peut-être conscient de la folie de l’entreprise, il ne part pas seul. Il emmène son chien, et réussit à entraîner son vieux copain Philippe Rebbot. Ils s’entendent comme larrons en foire, partagent une conception assez similaire des plaisirs de l’existence et ont vraiment envie de partager un moment ensemble. Alors, va pour la balade en vélo, même s’ils n’ont plus l’âge de ces exploits sportifs, sont plus en formes qu’en forme et ont emmené plus de bouteilles d’alcool que de bouteilles d’eau pour tenir la distance.

De la Rochelle à la campagne normande, des routes d’Alsace jusqu’en Allemagne, de Vienne jusqu’aux Carpathes, puis jusqu’à la Mer Noire et finalement, la Turquie, le duo va à son rythme, fait quelques escales pour offrir aux passants des numéros de clown et de magie en hommage à Youri, qui était clown de rue. Quand ils en ont marre de pédaler, ils se débrouillent pour trouver un moyen de transport moins fatiguant. Parfois, ils s’engueulent un peu, mais la plupart du temps, ils s’apportent mutuellement du réconfort, plaisantent ou philosophent, pour notre plus grand plaisir.
Ce road-movie ne manque pas de moments réjouissants, souvent drôles, comme les tribulations du duo dans une fête foraine, les méthodes de détente plutôt musclées des bains turcs, la visite express du château de Dracula (“Il faut en sucer, du sang, pour se payer un château comme ça…”), ou les discussions surréalistes avec leur logeuse autrichienne qui leur explique en allemand toutes les règles de colocation, que la traduction automatique transforme avec délice en propos incohérents : “Ne mangez pas ici. Je ne veux pas de miettes à la Mosquée…” ou “Après la douche, n’oubliez pas de vous déshabiller…”.
Mais si le film ne manque pas d’humour, c’est le plus souvent sa tendresse, sa poésie et sa sensibilité qui nous emportent. On passe en un clin d’oeil du rire aux larmes, de moments poignants, où la mélancolie domine, à des instants lumineux qui procurent un certain apaisement. Clown joyeux, clown triste, le film avance donc en funambule, en parfait équilibre, lentement mais sûrement et on ne voit finalement pas passer le temps en si bonne compagnie.

Cette tribu là, qui comporte les Mlekuz, Philippe Rebbot, Romane Bohringer et autres, sans oublier l’adorable chien Lucky, a quelque chose de très attachant, très authentique. On est heureux d’avoir la sensation d’en faire un peu partie, le temps d’un long-métrage qui se mue en une véritable ode à l’amitié et aux rencontres  de hasard.

On espère que A bicyclette! aidera finalement Mathias Mlekuz à surmonter ce deuil. En tout cas, il peut être fier de ce joli film, qui permettra de continuer à faire vivre son fils Youri dans les mémoires des spectateurs, longtemps après la projection.


A bicyclette !
A bicyclette !

Réalisateur : Mathias Mlekuz
Avec : Mathias Mlekuz, Philippe Rebbot, Josef Mlekuz, Adriane Grzadziel, Marziyeh Rezaee, Romane Bohringer, Laurent Jouault
Genre : Road-movie en volé (pardon, mauvaise traduction automatique…)
Origine : France
Durée : 1h29
Date de sortie France : 26/02/2025

Contrepoints critiques :

”Il est de ces films qui vous marquent durablement, qui changent la vie, ou qui vous aident à avancer. À Bicyclette fait partie de ceux-là.”
(Olivier Bachelard – Abus de ciné)

”Mais le dispositif du tournage perturbe l’ensemble et vient écorner le charme du duo. Ce qui se présentait comme une affaire spontanée et un tête-à-tête peu aguerri aux performances sportives s’avère techniquement et narrativement fort encadré.”
(Maroussa Dubreuil – Le Monde)

Crédits photos : Copyright Emmanuel Guimier

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Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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