A Cannes, les nuits sont bruyantes, entre la circulation et les fêtes qui sévissent un peu partout sur la Croisette et dans les environs… On savourerait bien un peu de silence…
Les organisateurs ont entendu nos souhaits, puisqu’ils nous ont offert un film… muet pour le premier film en compétition de ce jour : The Artist.
Le nouveau long-métrage de Michel Hazanavicius est en effet un muet à l’ancienne, en hommage aux premiers films de l’histoire du cinéma et de Hollywood. Il raconte la déchéance d’un acteur star du muet qui voit sa carrière se terminer brusquement avec l’arrivée du parlant, alors qu’une jeune inconnue qu’il a incité à se lancer dans le métier voit au contraire sa popularité s’accroître.

The Artist - 2

Bon, là, il faut que je me mette minable, que je revienne sur ce que j’ai dit de méchant à propos du deuxième volet d’OSS 117… Finalement, je veux bien que Hazanavicius et sa bande nous pondent des gros films populaires à l’humour lourdingue (ça n’engage que moi…) si c’est pour financer des projets aussi amitieux que celui-ci.
The Artist exploite tout ce qui faisait le charme des OSS 117, le grain d’image vintage, le travail très soigné sur l’image et le son, l’hommage révérencieux au 7ème art, mais il est aussi débarrassé des gags concons, du comique de répétition répétitif et des numéros de cabotinage de Dujardin.
Ici, quand ce dernier en fait des tonnes, il a le droit, vu que tout son jeu ne peut reposer que sur des mimiques et une gestuelle savante. Il s’amuse comme un fou à imiter Douglas Fairbanks ou Rudolph Valentino, pour notre plus grand plaisir.

The Artist - 3

Et comme il forme un joli couple avec Bérénice Béjo, également impeccable en jeune starlette propulsée au rang de star hollywoodienne, on s’attache très vite au destin de ces deux personnages, leurs aventures tantôt drôle, tantôt tragiques. Il y a de l’humour, du drame social, de la romance, des amours contrariées, du suspense…
La musique de Ludovic Bource, presque un personnage à part entière colle parfaitement à l’action, les seconds rôles sont remarquables (James Cromwell, magnifique en domestique dévoué, John Goodman, parfait en producteur au physique Weinsteinien) et il y a aussi parmi eux un cabot de première grandeur, un adorable chien qui devrait logiquement remporter la palme dog cette année. Enfin, les cinéphiles pourront s’amuser à compter les références et les influences du film, nombreuses, du muet (La Foule) au néoréalisme italien (Umberto D.) en passant par la comédie musicale (on pense beaucoup à Chantons sous la pluie).
Bref, ce film audacieux, inventif, qui emprunte au cinéma hollywoodien des origines ses meilleurs effets de mise en scène est une franche réussite qui n’a peut-être pas laissé insensible le jury. Le public semble en tout cas l’avoir beaucoup aimé… Une potentielle palme d’or? A voir, car il reste encore quelques

Le Gamin au vélo - 2

Autre film en compétition aujourd’hui, Le Gamin au vélo. Il s’agit du nouveau long-métrage des frères Dardenne, qui ont déjà remporté deux palmes d’or au cours des quinze dernières années (pour Rosetta et L’Enfant). Et force est de constater que s’ils n’ont rien perdu de leur savoir-faire technique et de leur capacité à tirer le meilleur de leurs acteurs, leur inspiration à tendance à tourner un peu en rond.
On est dans du très classique. Comme souvent, il s’agit d’une histoire ancrée dans un contexte social difficile, qui traite de rapports père-fils conflictuels et de maternité contrariée : un petit garçon de douze ans est abandonné par son père, qui tente de reconstruire sa vie et ne peut plus assumer son éducation. Mais il refuse d’admettre l’évidence et tente coûte que coûte de retrouver sa trace…
Puisque les Dardenne sont des cinéastes expérimentés, il n’y a pas grand chose à leur reprocher, tant au niveau de la rigueur scénaristique que de la mise en scène. Mais je n’ai pas franchement été ému par cette nouvelle histoire et son jeune protagoniste, plus tête à claques que victime. Pour moi, ça ne mériterait pas de prix au palmarès…

Walk away Renee - 2

A la semaine de la critique, j’ai pu voir le nouveau film de Jonathan Caouette, Walk away Renee. Il s’agit en quelque sorte d’une suite à son Tarnation, montage d’images d’archives familiales et de journal intime en vidéo où le cinéaste racontait son histoire et celle de sa mère, souffrant de troubles bipolaires et de dérangement mentaux.
Ici, il rend hommage à cette même femme, condamnée à sombrer définitivement dans la folie.
Le ton est semblable à celui de Tarnation, mélange de déballage intime – qui gênera probablement certains spectateurs – et d’expérimentations visuelles audacieuses – qui gênera les autres… Sauf qu’ici, l’ami Caouette nous prend la tête… Cacahuette…
Les séquences sont trop redondantes (les coups de fil aux médecins pour avoir une ordonnance, par exemple…) et la partie expérimentale, intéressante, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Dommage, car le cinéaste a indéniablement du talent et que son film semble être animé d’une flamme sincère.

Dans le même programme, Spike Jonze et  Simon Cahn sont venus présenter un petit court-métrage d’animation plein de poésie funèbre, Mourir près de toi. Pas mal du tout…
Sinon, j’ai entendu beaucoup de bien de Take Shelter, nouveau film de Jeff Nichols (Shotgun Stories), également présenté à la SIC, mais hélas, la séance affichait complet.
Tiens, j’en profite pour pousser un coup de gueule contre les infâmes salopards qui doublent tous le monde dans les files d’attente, au mépris de ceux qui ont attendu pendant plus d’une heure en plein soleil (ou sous la pluie) pour voir le film et risquent de se voir refuser l’entrée en salle à une ou deux places près – celles des resquilleurs…  
Souvent, ce sont des vieillards qui fraudent ainsi. Ils se justifient en disant “on est vieux, on ne peut pas faire la queue pendant deux heures…”. Pourtant, ils retrouvent toutes leurs forces pour escalader les barrières et s’insérer dans la file d’attente – des Stéphane Diagana de la queue, ces vieux-là…
Ouf, ça va mieux en le disant…

Code Blue - 2

A la Quinzaine des Réalisateurs, étaient présentés En ville, apparemment jugé unanimement mauvais par les spectateurs qui l’ont vu : “heureusement que c’est court, parce que c’est chiant…”, “mal joué, mal filmé”, “sans queue ni tête”… Bigre! 
Play de Ruben Östlund a recueilli des critiques plus favorables…
Quand à Code Blue, il a forcément divisé, vu ses sujets, doublement tabous, et la nature un peu extrême de son final.
Comment résumer le film de Urszula Antoniak? Disons que c’est la rencontre explosive entre une infirmière qui a tendance à abréger les souffrances de ses patients de façon radicale et un pervers sexuel adepte de jeux sado-masochistes. A moins que tout ne soit que fantasmes issus du cerveau malade du personnage principal, incarné par l’actrice Bien de Moor. Enfin, vous voyez le tableau…
Niveau mise en scène, rien à redire, chaque plan est soigneusement conçu. L’ambiance est bleutée et glaciale, amplifiant l’impression de malaise qui nous gagne au fur et à mesure du récit… Mais voilà un film qui ne plaira pas du tout au grand public…

Sur le même thème de l’euthanasie et de l’acceptation de la mort, Halt auf freier strecke, présenté à Un Certain Regard, méritait apparemment le détour puisque la rumeur est assez flatteuse. Là aussi, je ne l’ai pas vu, hélas…

Martha Marcy May Marlene

En revanche, j’ai opté pour le film Martha Marcy May Marlene, premier long-métrage de Sean Durkin, qui raconte le retour au bercail d’une jeune femme ayant vécu quelques mois sous l’emprise d’une secte et d’un gourou manipulateur et vicieux.
Le film épouse une narration confuse qui passe sans transition des scènes où Martha est avec sa soeur aînée et son beau-frère à des flashbacks qui nous éclairent un peu plus sur son passé au sein de la secte. Déroutant? Oui, c’est fait pour… Ceci permet de se mettre dans la peau de l’héroïne qui est traumatisée par son expérience sectaire et, en proie à la paranoïa, en vient à mélanger réalité, souvenirs et illusions… Ce n’est pas très agréable à suivre, mais le résultat est conforme aux intentions de l’auteur, donc c’est plutôt réussi…
 
Pfiou ! Quelle journée… Sexualité déviante, vols, viols, meurtres, abandon d’enfant, euthanasie, enfer des sectes et folie…  On ne peut pas dire que les sujets du jours faisaient dans la légèreté… Heureusement que The Artist était là pour égayer un peu la journée – et encore, avec un ton assez amer et nostalgique…
Je préfère donc  rester sur l’impression positive que m’a laissé le film de Michel Hazanavicius. Pour le reste : Silenzio !

A demain pour de nouvelles chroniques cannoises.

Cannes 2011 affiche 2

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