Ca y est, cette 64ème édition du Festival de Cannes s’est terminée par la soirée de clôture, pendant laquelle Robert de Niro et ses “champignons”, comprenez “ses compagnons” du jury ont rendu leur verdict.
Une fois n’est pas coutume, le festival de Cannes a choisi de récompenser un film d’art & essai complexe et assez radical.
The Tree of life de Terrence Malick remporte la convoitée Palme d’or.
Et une fois n’est pas coutume, le cinéaste américain n’est pas venu chercher son prix sur scène, laissant cet honneur à son producteur.
Ce film était le grandissime favori de la compétition au moment de la publication de la liste des compétiteurs. Un peu moins après l’accueil mitigé reçu lors des projections officielles. Quoi qu’il en soit, il s’agit assurément d’un grand film, ample et ambitieux, cinématographiquement abouti et thématiquement très riche.
Pas de quoi crier au scandale, donc…
Et puis, bon, donner la “palme” à un “arbre de vie”, ça fait un beau message écologiste ça, non ? hum…
Les frères Dardenne n’auront pas de troisième palme d’or (ouf!) mais n’en sont pas passé loin. Le Gamin au vélo obtient le Grand prix du jury, ex-aequo avec Il était une fois en Anatolie qui n’aura donc pas endormi le jury, malgré sa durée excessive et sa lenteur exagérée…
Sur la troisième marche du podium, le prix du jury revient au Polisse de Maïwenn. La jeune femme a très largement dépassé le temps imparti pour son intervention, mais son émotion faisait plaisir à voir.
Le prix de la mise en scène revient au danois Nicolas Winding Refn, ce qui va probablement faire hurler ses détracteurs, qui trouvent son style trop tapageur. Ce n’est pas notre cas. Le jeune cinéaste nous surprend agréablement de film en film, et son Drive était probablement un des films les mieux rythmés de ce festival – et pas seulement parce qu’il s’agit d’un film de genre…
Pour le scénario, le jury a opté pour le film israélien Footnote de Joseph Cedar. Un choix discuté, car ce long-métrage est l’un de ceux qui ont été le moins apprécié des festivaliers. Pourtant, là aussi, il n’y a pas de quoi polémiquer. Le scénario du film est effectivement très bien construit, à la fois malin, surprenant et profond.
Le prix d’interprétation féminine revient à la belle Kirsten Dunst, pour son rôle de Cassandre dépressive dans Melancholia. Cela consolera peut-être Lars Von Trier, banni du festival suite à sa conférence de presse polémique. Mais on ne saura jamais si, sans toute cette agitation médiatique, le film aurait pu prétendre à une plus haute distinction…
Le prix d’interprétation masculine est, lui, attribué à Jean Dujardin pour son rôle dans The Artist de Michel Hazanavicius. Celui qui est souvent présenté comme le digne successeur de Jean-Paul Belmondo sera probablement touché de recevoir son prix l’année où Cannes honorait Bebel d’une palme d’honneur…
La Caméra d’or revient à Las Acacias, le film de l’argentin Pablo Giorgelli. Mouais… Le film est tout à fait correct et réussit la gageure de tenir la durée d’un long-métrage quasiment sans user de dialogues, et presque sans quitter l’habitacle d’un poids lourd. Mais ce n’est pas aussi percutant que certaines caméras d’or des années passées.
C’est le revers de la médaille : quand une sélection officielle privilégie des oeuvres réussies de cinéastes confirmés, cela induit fatalement une présence moindre de premiers films, et donc un choix plus restreint pour désigner le lauréat…
En tout cas, c’est une belle façon de saluer les 50 ans de La Semaine de la Critique, qui a sélectionné le film, ainsi que son délégué Jean-Christophe Berjon, qui s’apprête à passer la main à Charles Tesson.
Comme toujours, le palmarès laisse quelques beaux films sur le bord de la route : Rien pour Pedro Almodovar (encore bredouille, certes, mais aurait-il apprécié autre chose que la palme d’or?), rien pour Aki Kaurismäki et son beau Le Havre (qui avait pourtant la faveur des pronostics de la presse française), rien pour nos deux chouchous, This must be the place et La Source des femmes. Rien non plus pour Nanni Moretti et Michel Piccoli, l’un des favoris pour le prix du meilleur acteur, rien pour Tilda Swinton, l’une des favorites du prix d’interprétation féminine. Rien pour le Pater d’Alain Cavalier, sans doute jugé trop “franco-français” par le jury…
Mais bon, c’est le jeu de la compétition, et le fait de voir autant de bons films laissés pour compte est le signe de la très bonne qualité de ce cru cannois 2011, qui a offert aux cinéphiles des oeuvres riches, variées, engagées, ouvertes sur le monde, apte à réconcilier cinéphiles exigeants et grand public.
Bref, l’arbre de vie de Terrence Malick ne cache pas la forêt – et toutes ces jeunes pousses prometteuses – et ce 64ème festival est une réussite…
Avant d’en finir avec ces chroniques cannoises, il faut encore que l’on parle du film de clôture, Les Bien-aimés.
Eh bien, j’ai bien aimé, justement, ce nouveau long-métrage de Christophe Honoré, qui s’inscrit dans la lignée des Chansons d’amour, présenté ici il y a quelques années.
Le cinéaste s’intéresse aux amours contrariées de deux femmes, une mère et sa fille, à trente ans d’intervalle, et dans des villes différentes (Paris, Prague, Londres, Montréal), en adoptant une forme de tragi-comédie musicale. Un film “en chanté”, comme dans les films de Demy, grâce aux belles chansons d’Alex Beaupain.
Ludivine Sagnier, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni incarnent des “filles légères qui ont le coeur lourd” et tentent de vivre sans les hommes qu’elles aiment, trop lâches ou trop différents pour les aimer à leur juste valeur.
Le film présente un peu les même défauts que Les Chansons d’amour – qui était toutefois plus spontané et plus sincère. Il y a un peu trop de personnages mal exploités (ici, Michel Delpech et Louis Garrel), des triangles amoureux un peu trop tirés par les cheveux, et quelques chansons qui tombent un peu à plat. Et le jeu de Ludivine Sagnier est un peu trop forcé, car elle semble focaliser tous ses efforts à singer le phrasé de Catherine Deneuve, dont elle incarne le personnage jeune..?
Mais il y a aussi de purs moments de grâce, comme ce duo mère/fille sur le quai d’une gare, ou la chanson finale de Catherine Deneuve, pleine d’amertume et de mélancolie…
Tout le monde n’aimera pas, c’est certain. Ceux qui ont détesté Les Chansons d’amour et qui n’apprécient pas le style particulier de Christophe Honoré peuvent d’office passer leur chemin. Les autres pourront tenter l’expérience à la sortie du film, en août prochain…
Ah! Et j’ai finalement fini par rattraper La Conquête. Je n’ai pas du tout aimé ce film qui ne repose que sur les performances d’acteurs. Et encore, cela ressemble à une caricature qui ne s’assume pas ou à un gigantesque clip promotionnel pour le président/candidat Sarkozy, en vue de 2012… Où est le pamphlet féroce annoncé? Où est la farce très critique sur le monde politique? Où sont les révélations promises? Non, franchement, pour voir un bon film politique, mieux vaut s’intéresser à Pater ou à L’Exercice de l’Etat, également présentés à Cannes cette année…
Voilà! Cette fois c’est vraiment fini… Je dois déjà me préparer au retour (aïe…) et à faire mes bagages, alourdies de quelques kilos de paperasse – dossiers de presse et quotidiens du festival – et de plein de beaux souvenirs cinématographiques.
Et il ne me reste plus qu’à vous remercier vous, lecteurs, qui avez suivi mes chroniques quotidiennes du festival.
A l’année prochaine, je l’espère, pour de nouvelles aventures sur la Croisette…