« Tu aimes la nitroglycérIN
C’est au Bus Palladium que ça s’écOUT
Rue Fontaine
Il y a foule
Pour les petits gars de Liverpool » (1)
Célébré en chanson par Serge Gainsbourg dans « Qui est ‘in qui est out’ ? », le Bus Palladium (2), est une discothèque parisienne, un lieu mythique des années 1960/1970 qu’ont fréquenté les fameux « petits gars de Liverpool », Les Beatles…
Bus Palladium est aussi le titre d’un film qui raconte l’ascension et la chute, dans les années 1980, d’un groupe de pop appelé « Lust », et les perturbations que cette accession à une célébrité éphémère occasionne sur l’amitié des différents protagonistes, amis d’enfance ou camarades de lycée…
Difficile de faire abstraction, en voyant ce premier long-métrage du comédien et scénariste Christopher Thompson, de certains classiques narrant eux aussi, la marche de jeunes rockers vers le succès. On pense notamment, à Spinal Tap, le documenteur de Rob Reiner, à Gimme Shelter le documentaire des frères Mayles, à That thing you do ! de Tom Hanks, et, bien sûr, aux Commitments d’Alan Parker. Et c’est là tout le problème…
Quitte à voir du « déjà-vu », on aurait souhaité que le niveau soit équivalent aux œuvres précitées. Hélas, ce n’est pas vraiment le cas.
Premier écueil, le choix de s’intéresser à un groupe de rock bien de chez nous… Car oui, les quatre garçons dans le vent dépeints dans le film ne viennent pas de la Perfide Albion, mais de la région parisienne… Et là, sur les bords, au milieu, ça craint un peu…
J’ai bien conscience que je ne vais pas me faire que des amis ici, mais je l’écris quand même : il y a un fossé entre le rock anglo-américain et le rock français, surtout concernant cette période précise qui correspond à la fin de « l’âge d’or ». Pour s’en convaincre, il suffit d’énumérer les groupes anglais des années 1970/1980 (les Stones, les Who, les Clash, Dire Straits, Genesis, Police, etc…) et de chercher leurs équivalents français dans les méandres de ma mémoire… A de rares exceptions, le désert total ou une qualité nettement inférieure…
Autant dire qu’il est moins simple d’adhérer au cheminement de « Lust » qu’à celui des musiciens déjantés du film d’Alan Parker…
Cela dit, je n’ai absolument pas la prétention d’être un expert en musique. Donc, faisons abstraction de cette « hérésie » et admettons donc comme crédible cette « success-story » à la française…
Il n’en reste pas moins quelques défauts assez ennuyeux, qui plombent les bonnes intentions du film.
Le jeu des acteurs, par exemple, très inégal…
Marc-André Grondin, la révélation du Premier jour du reste de ta vie, est une fois de plus impeccable dans son rôle de jeune homme rêveur et sensible, tiraillé entre son envie de participer à cette belle aventure collective et celle de voler de ses propres ailes, de se construire un avenir plus « sérieux » que celui du groupe, presque naturellement voué à disparaître…
La belle Elisa Sednaoui campe avec conviction un personnage troublant, au charme provocant et à l’attitude ambiguë, mi-égérie, mi-femme fatale. On comprend aisément que les personnages masculins puissent perdre la tête pour elle…
Au rayon des satisfactions, Abraham Belaga fait également preuve d’une belle présence, avec ses faux-airs du regretté Jocelyn Quivrin et Géraldine Pailhas, blonde façon Debbie Harry pour l’occasion, se révèle assez convaincante en directrice de label à la fois maternelle et autoritaire (3).
Le cas Arthur Dupont est plus mitigé. Le jeune acteur est charismatique et communique cette aura à son personnage, véritable attraction du groupe. Tant que « Lust » est en phase ascendante, il est parfaitement dans le ton, et vole même la vedette aux autres puisque son rôle lui donne l’occasion de jouer sur les fêlures de son personnage, en proie à un malaise profond. Mais dès qu’il est sensé passer du côté « obscur », vers la dépression et l’autodestruction, il est nettement moins crédible. Trop lisse et trop sage… Pas assez « rock’n roll »…
A sa décharge, il y avait probablement là une volonté du cinéaste de ne pas insister sur la déchéance du protagoniste.
Les autres acteurs sont soit sous-exploités (Jules Pelissier, un ton en dessous des autres, Karole Rocher et Dominique Reymond, réduites au rang d’utilités…) soit agaçants de par leur sur-jeu (l’imprésario joué par François Civil, horripilant…)
La réalisation est également bancale. Elle n’est pas mauvaise, mais Christopher Thompson manque souvent de l’inspiration qui aurait pu donner à son film un peu d’intensité et de souffle.
Les quelques bonnes idées de mise en scène – comme ces fausses images d’archives, filmées en super 16, captant les rêves et les moments d’insouciance de ces jeunes vivant dans l’instant présent – ne sont pas suffisamment exploitées. Dommage…
Mais là où le bât blesse, c’est surtout au niveau de la construction narrative. C’était pourtant le point fort attendu du cinéaste, qui a cosigné plusieurs des scénarios des films de sa mère, Danièle Thompson, dont les dialogues sont si finement ciselés.
Las… Les situations sont convenues. Les dialogues sont peu percutants. Et l’idée d’annoncer dès le départ le décès de Manu, le leader du groupe, tue d’emblée tout le suspense potentiel.
Le but était sans doute, là encore, de ne pas trop s’appesantir sur le destin tragique du personnage, pour se concentrer sur le thème central du film : la nostalgie d’un âge, d’une période éphémère de la vie, l’adolescence, où tout est encore possible, où la passion amoureuse est dévorante comme jamais, tout comme les premières déceptions, amères…
Cet aspect là du script est bien rendu, grâce aux acteurs notamment, mais il se dilue dans tout le reste, nettement moins convaincant.
Même les séquences musicales peinent à nous transporter, en dehors des scènes de concert où l’énergie est communicative et où résonne la musique concoctée pour le film par Yarod Poupaud.
Alors « in » ou « out », le Bus Palladium de Christopher Thompson ?
Ni l’un ni l’autre, juste un film assez moyen que l’on voit sans déplaisir, mais qui manque trop d’intensité, trop de relief, pour nous permettre d’y adhérer pleinement. Le cinéaste fait encore ses gammes et il y a hélas trop de fausses notes dans sa partition…
(1) : « Qui est ‘in qui est ‘out » paroles & musique : Serge Gainsbourg – album « Initials BB » – label : Mercury
(2) : Le Bus Palladium, 6 rue Fontaine, 75009 Paris – site officiel : Bus Palladium
(3) : Mes anciens lecteurs du Blog ciné de Boustoune connaissant mon petit faible pour la divine Didine, prendront ce jugement avec les précautions d’usage…
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Réalisateur : Christopher Thompson
Avec : Marc-André Grondin, Arthur Dupont, Elisa Sednaoui, Géraldine Pailhas, Abraham Belaga
Origine : France
Genre : Commitments à la française
Durée : 1h40
Date de sortie France : 17/03/2010
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : There and back again
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Entièrement d’accord avec cette analyse!
Très bien vu.