Deux frères. Deux parcours radicalement opposés.
Dès l’enfance, l’aîné, Chris (Clive Owen), a opté pour la voie du banditisme, en cumulant les délits, vols avec effraction, proxénétisme, vols à main armée et meurtre… Un parcours qui l’a conduit à passer plusieurs années en prison. En 1974, il est finalement remis en liberté conditionnelle, pour bonne conduite, prêt à démarrer une nouvelle vie, loin de ses erreurs passées. Car il a payé cher ses années de détention : Sa femme, Monica (Marion Cotillard), l’a quitté, et ses enfants ne le reconnaissent même plus…
Le cadet, Franck (Billy Crudup) a choisi la voie de l’honnêteté, du droit, de la justice. Il est devenu policier. Un flic respecté, intègre et efficace.
Quand Chris sort de prison, Franck, met de côté leurs vieilles querelles et la rivalité qui l’oppose à son aîné, le “fils préféré”. Il tend la main à son frère en lui offrant l’hébergement, en l’aidant à retrouver sa famille et en lui trouvant un job dans un garage.
Mais très vite, Chris réalise que cette vie-là n’est pas pour lui. Il est trop indépendant pour accepter de se laisser tyranniser par le patron du garage, qui l’a engagé un peu contraint et forcé, sous la pression de Franck. Et puis, il ne veut pas trimer pour rien. Il a envie de gagner plus d’argent pour faire plaisir à sa nouvelle maîtresse, Natalie (Mila Kunis). Il décide de quitter ce boulot mal payer pour monter son affaire, avec un vieux complice et ami d’enfance.
Hélas, le projet tombe à l’eau, bloqué par les autorités newyorkaises, et Chris replonge dans le banditisme, en acceptant de travailler pour un caïd local.
Ceci ravive les tensions entre les deux frères, qui, fatalement, sont appelés à se retrouver face-à-face. Que se passera-t-il à ce moment-là? Qu’est-ce qui prendra le dessus? Le sens du devoir ou les liens du sang?
Une telle histoire, avec ses relations fraternelles complexes, ses triangles amoureux funestes et sa réflexion sur le bien et le mal, rappellera sans doute aux cinéphiles l’intrigue de La Nuit nous appartient de James Gray, et plus encore celle du film de Jacques Maillot, Les Liens du sang, avec Guillaume Canet et François Cluzet.
Rien de plus normal : Blood ties est le remake américain de ce film. Guillaume Canet en a assuré l’adaptation et la réalisation et James Gray l’a coécrit.
On retrouve la patte de Canet dans la structure chorale du récit, longue fresque familiale articulée autour d’une dizaine de personnages à qui il apporte la même attention. D’ailleurs, c’est assez rare pour être signalé, le remake dure 40 mn de plus que le film original. Guillaume Canet n’aime pas faire court…
La touche de James Gray, elle, se ressent dans la refonte du scénario du film de Jacques Maillot, lui-même inspiré du roman autobiographique des frères Papet, “Deux frères, un flic, un truand”. Il a sacrifié quelques personnages, en a développé d’autres, privilégiant l’aspect intimiste de l’oeuvre par rapport à l’intrigue policière et donnant au récit l’allure d’un drame shakespearien ou d’une tragédie grecque.
Son influence se retrouve aussi dans l’esthétique du film, son grain d’image particulier, et dans le rythme de l’oeuvre, faussement indolent, qui rappelle clairement celui de The Yards ou de La Nuit nous appartient.
Mais James Gray n’est pas la seule source d’inspiration de Guillaume Canet. L’intrigue se déroulant dans les années 1970, cela permet au jeune cinéaste français de rendre hommage à toute une génération de réalisateurs américains qui ont forgé sa cinéphilie, de Schatzberg à Lumet, en passant par Peckinpah.
Et c’est peut-être là où le bât blesse. Car à trop évoquer le cinéma américain des années 1970, Canet s’expose fatalement à la comparaison, et son Blood ties fait pâle figure au regard des chefs d’oeuvres dont il s’inspire. Trop classique, trop appliqué. Et trop impersonnel…
A Cannes, où il était présenté hors compétition, le film a été très fraîchement accueilli.
Beaucoup ont trouvé que ce remake n’apportait pas grand–chose par rapport au film original et qu’il n’était qu’un exercice de style un peu vain conçu uniquement pour servir de tremplin américain à un Guillaume Canet opportuniste.
C’est un peu dur…
Certes, Blood ties ne brille pas par son originalité, mais c’est un polar mélodramatique tout à fait correct, qui bénéficie d’un scénario solide et d’un casting impeccable, sans faute de goût (aux noms cités plus haut, ajoutons Lili Taylor, Zoe Saldana, Matthias Schoenaerts et l’excellent James Caan- classe, quand même…).
Quant à la mise en scène de Canet, elle est tout à fait correcte, malgré quelques maladresses au niveau du rythme et du découpage du film.
Il ne faut pas oublier que les méthodes de travail diffèrent considérablement entre la France et les Etats-Unis, que tourner là-bas exige de faire beaucoup de concessions artistiques, de renoncer à certaines scènes faute des autorisations adéquates, et de subir les pressions de la production. Et, pour une première, le cinéaste français s’en tire plus qu’honorablement.
Franchement, on préfère le voir prendre des risques avec ce genre de polar américain classique plutôt que de surfer sur le succès des Petits mouchoirs – par ailleurs assez médiocre, de notre point de vue.
Le garçon a du talent, c’est certain. Il lui faut juste réussir à digérer pleinement ses influences et à trouver sa place entre cinéma populaire et cinéma art & essai, entre classicisme et expérimentations (son Mon idole, malgré les erreurs de jeunesse, est un sillon à creuser), entre France et Etats-Unis.
Notre note : ●●●●○○