“Albator, Albator,
du fond de la nuit d’or
Albator, Albator,
De bâbord à tribord
Tu veilles sur la galaxie
Sur la liberté aussi
Albator, Albator
Le corsaire de l’espace” (1)
Alba qui? Alba quoi? demanderont les plus jeunes, qui n’ont pas grandi dans les années 1980 et n’ont donc pas connu la série d’animation du même nom.
Eh bien sachez, jeunes gens, qu’Albator est le nom français de Captain Harlock, le personnage principal d’un manga de Leiji Matsumoto (2), adapté en série télévisée dans les années 1970/1980 par la Toei animation (3).
C’est un pirate de l’espace qui sillonne la galaxie pour défendre la Terre contre les extra-terrestres belliqueux ou les autorités humaines corrompues qui sacrifient le bien-être du peuple pour garantir leurs propres intérêts. Son look gothique prononcé – balafre sous l’oeil gauche, bandeau sur l’oeil droit, mèche aussi rebelle que son tempérament, grande cape rouge et noir et blouson en cuir à tête de mort – et son audace flamboyante l’ont rendu particulièrement populaire auprès de toute une génération de garçons et de filles, qui ne manquaient pas un épisode de ses aventures, diffusées dans Récré A2.
>> soupir nostalgique du critique quadragénaire biberonné aux émissions jeunesse de l’époque<<
Il revient aujourd’hui sur grand écran, prêt à conquérir le coeur d’autres marmots. Mais évidemment, la tâche est plus difficile que dans les années 1980, époque où le public n’était pas encore familiarisé avec l’animation nippone et les mangas, et où les seuls long-métrages d’animation visibles sur grand écran étaient les films Disney et quelques rares indépendants français. Aujourd’hui, les jeunes spectateurs ont l’habitude des films en images de synthèse, des effets spéciaux, du relief et sont un peu plus exigeants que leurs aînés.
Aussi Albator, Corsaire de l’espace a-t-il été relooké avec les moyens modernes du cinéma d’animation : motion-capture de plus en plus précise et réaliste, effets spéciaux numériques spectaculaires et 3D relief de haut-vol (spatial, bien sûr…). De quoi satisfaire les gamins et les ados d’aujourd’hui… Et les adultes aussi, évidemment…
Mais il convient toutefois de signaler que le film ne convient probablement pas aux plus jeunes. On vous annonce la couleur : c’est “Noir”…
Noir comme le pavillon qui flotte sur le vaisseau du pirate, l’Arcadia.
Noir, aussi, pour le côté sombre du manga original, encore accentué pour cette version sur grand écran.
Noir, enfin, comme la “matière noire”, cet épais brouillard ténébreux capable d’éradiquer toute vie qui entre à son contact, ou celui, tout aussi dense, qui enveloppe le scénario, assez nébuleux et alambiqué, qui risque de perdre quelques spectateurs en route…
L’intrigue se déroule dans un lointain futur, à une époque où les humains ont colonisé le reste de la galaxie, mais n’ont jamais réussi à trouver mieux que notre belle planète Terre. Alors, tout le monde a tenté de rentrer au bercail en même temps, ce qui, faute de place pour accueillir tout le monde, a créé un certain chaos et de nombreux conflits fratricides. Finalement, il a été décidé de faire de la Terre un sanctuaire interdit aux humains, un havre de paix protégé par la Congrégation de Gaïa.
Le problème, c’est que pendant que la Terre est vide de tout occupant, l’espèce humaine, disséminée dans tout l’univers, s’éteint à petit feu… Et les rebelles sont immédiatement éliminés par les troupes de la congrégation.
Seul Harlock/Albator s’élève contre l’ordre établi. Et il a un plan pour permettre au monde de renaître…
Pour cela, il doit recruter d’autres membres d’équipage, malgré la qualité et la fidélité de ceux qui sont déjà présents – entre autres : Yattaran, le mousse intrépide, Kei/Nausicaa, la belle adjointe, et Miimé, l’extraterrestre éthérée qui conseille le capitaine…
Yama, un jeune homme déterminé, se porte volontaire. Il finit par intégrer, non sans mal, la bande de corsaires, en route pour d’audacieuses opérations de sabotage. Mais évidemment, les forces de la Congrégation de Gaïa, menées par l’Amiral Isora, n’entendent pas le laisser agir impunément…
Ceci offre bon nombre de péripéties, de batailles spatiales et de courses-poursuites – jusque ici, tout va bien – mais aussi, pour pimenter un peu les choses, de doubles-jeux, de trahisons, de mensonges d’état et de stratégies spatio-temporelles compliquées à appréhender même pour la plus douée des Sylvidres…
– c’est là que ça se corse un peu, et qu’il vaut mieux être attentif si on ne veut pas être complètement largué dans la matière noire…
Les motivation des personnages sont parfois confuses, au point qu’on en arrive à se demander qui appartient au clan des “bons” ou des “méchants”. Et le contexte politique est peu évident à comprendre pour les plus jeunes spectateurs, contrairement au message écologiste militant qui vient se greffer dessus.
Le rythme particulier imprimé au récit n’arrange rien : certaines scènes traînent en longueur quand d’autres, utiles à la compréhension de l’intrigue, sont expédiées un peu trop hâtivement.
Cela dit, rassurez-vous, on parvient très bien à suivre le récit, pour peu qu’on soit un minimum concentré. Mieux, on est vite captivé par les enjeux de ce space-opera sombre et nihiliste, qui montre comment les puissants peuvent créer une illusion destinée à asservir le peuple, et, en opposition, comment un homme peut accéder au statut de légende, de mythe fondateur, et transmettre la flamme de l’instinct de rébellion des individus face à l’oppression et au totalitarisme.
Mais Albator, Corsaire de l’espace est avant tout un formidable spectacle, visuellement splendide. On est épatés par la beauté des paysages dépeints, le niveau de détails des navettes et des véhicules spatiaux, et, surtout, par l’expressivité des visages, qui témoigne des progrès effectués en matière de motion capture. Si on s’extasiait, il y a quelques années en arrière, sur le réalisme de l’animation d’un Final Fantasy : Les créatures de l’esprit, il paraît bien désuet au regard de ce qu’accomplissent les techniciens de cette nouvelle mouture d’Albator. Les textures, les couleurs, les jeux de reflets, le grain de la peau ou la finesse des cheveux,… Le rendu à l’écran est tout simplement bluffant.
Forts de ce soin tout particulier qui leur a été apporté, les personnages sont attachants, à commencer par le Capitaine Corsaire lui-même, toujours aussi charismatique. Quant au personnage de Kei Yûki, probablement l’assemblage de pixels le plus sexy qu’il nous ait été donné de voir, elle a le potentiel pour faire fantasmer toute une génération de garçons pré-pubères, comme l’avait fait son homologue en dessin 2D pour leurs aînés, il y a plus de trente ans.
Mille milliards de mille sabords, on est conquis par les nouvelles aventures d’Albator! On espère que cette version 2013 vaudra de nouveaux adeptes au plus fameux des pirates de l’espace. A défaut, les générations 1970/1980 sauront apprécier ce revival moderne, prompt à réveiller leurs souvenirs d’enfance…
(1) : Paroles du générique français d’”Albator 1979” ©Eric Charden / éditions Narcisse X 4
(2) : “Capitaine Albator, pirate de l’espace – Intégrale” de Leiji Matsumoto – ed. Kana
(3) : deux séries animées ont été diffusées en France “Albator 1979” et “Albator 1984”. Le personnage apparaît aussi dans “Galaxy express 999”
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Albator, Corsaire de l’espace Uchū Kaizoku Kyaputen Hārokku/Captain Harlock Réalisateur : Shinji Aramaki Avec les voix de: Shun Oguri, Haruma Miura, Yû Aoi, Miyuki Sawashiro, Toshiyuki Morikawa Origine : Japon Genre : Albator, Albâtoooor… Durée : 1h51 Date de sortie France : 25/12/2013 Note pour ce film :●●●●●○ Contrepoint critique : Télérama |
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Merci pour ces explications, cela donne vraiment envie de le voir
J’en ai toujours entendu parler mais je n’ai jamais vu ou lu d’oeuvre avec Albator, je pense que c’est l’occasion