Le Moyen-Orient – et principalement la zone israélo-palestinienne – est, depuis quelques années, une pépinière de jeunes talents cinématographiques qui réussissent à s’illustrer dans des genres très différents, de la comédie au drame, du film poétique au film politique.
A une liste déjà riche des noms d’Elia Suleiman, Shira Geffen et Etgar Kiret, Rashid Masharawi, Amos Gitaï, Keren Yedaya, Samuel Maoz, Ari Folman, Hany Abu-Assad, il faudra ajouter ceux de Scandar Copti et Yaron Shani, les deux réalisateurs d’Ajami.
Ce long-métrage, qui sort sur nos écrans auréolé d’une nomination aux Oscars après une sélection cannoise l’an passé, à la Quinzaine des réalisateurs, est en effet un polar passionnant, nerveux et intense, porté par une narration brillante et ambitieuse. Le fait est d’autant plus remarquable qu’il s’agit d’un premier film.

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Les auteurs font se télescoper plusieurs histoires, et une douzaine de personnages différents dans les rues du quartier d’Ajami, au cœur de la ville de Jaffa.
Le choix n’est pas fortuit. Ceux qui ont vu le Jaffa de Keren Yedaya se rappelleront que cette ville israélienne est l’une des plus cosmopolites du pays, et qu’elle abrite des confessions chrétiennes, musulmanes, juives, avec ce que cela suppose de tensions communautaires.
Ajami, dont la population est majoritairement arabe, est l’un des quartiers les plus pauvres de la ville. Cette misère, associée au climat de haine qui règne dans la région depuis presque un siècle, en fait une véritable poudrière, une zone de non-droit où trafics en tous genres, meurtres et règlements de comptes sont monnaie courante.
L’endroit baigne donc dans une ambiance orageuse, lourde, oppressante, mortifère, qui sied particulièrement à une trame de film noir.

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On suit les mésaventures de Nasri, un jeune palestinien de treize ans, et de son grand-frère Omar, entraînés malgré eux dans une sombre histoire de vengeance entre clans, après que leur oncle ait tiré sur le membre d’une importante tribu bédouine.
Ils tentent d’obtenir la médiation d’Abu Elias, le patron d’Omar. Un notable chrétien de la communauté arabe qui est respecté par tous les différents clans du quartier… Un accord financier est trouvé, mais pour l’honorer, Omar doit trouver rapidement une forte somme d’argent… Et justement, Binj, un de leurs amis palestiniens, vient de recevoir une grosse cargaison de drogue… Mais il est arrêté par Dando, un policier juif qui erre dans le quartier, plein de ressentiment vis-à-vis des palestiniens, qu’ils soupçonne avoir joué un rôle dans la disparition de son frère…
A côté de ces personnages, il y a un autre employé du restaurant d’Abu Elias, Malek, un réfugié palestinien venu travailler illégalement en Israël pour financer le traitement de sa mère, gravement malade, ou Hadir, la fille du restaurateur, secrètement amoureuse d’Omar…

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La grande force du film, c’est d’arriver à entremêler ces différentes histoires en respectant totalement l’équilibre entre les différents protagonistes et en parvenant à imposer une narration complexe, ultra-ramifiée. Le scénario est en effet divisé en cinq chapitres distincts, chacun étant centré sur un personnage et sur les mêmes scènes dramatiques, vues à chaque fois sous un angle différent. Le procédé évoque Rashomon de Kurosawa, Pulp Fiction de Tarantino ou encore Amours chiennes d’Iñàrritu, même si la mise en scène n’est pas encore tout à fait au niveau de ces trois références.

Une fois ses fils dénoués, l’intrigue semblera peut-être un peu fade aux amateurs de film noir. Mais l’intérêt réside ici moins dans le scénario, quand même pas mal écrit, que dans la façon subtile avec laquelle il décrit les relations tendues entre les différentes communautés. Les auteurs nous entraînent dans un univers sous haute tension, où chaque action entraîne des conséquences dramatiques, où la violence entraîne la violence dans une spirale sans fin.
Pourtant, les personnages ne sont pas si différents que cela les uns des autres. Ils sont juste enfermés dans une logique conflictuelle, dans un communautarisme radical et imbécile qui empêche toute discussion. Dès lors, Ajami accède à une dimension bien supérieure à celle d’un simple polar. Il devient une métaphore de la difficile cohabitation, sur un même territoire, de différentes communautés aux intérêts opposés, et du conflit israélo-palestinien dans toute son absurdité.

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Le constat est forcément très noir, du fait de la dimension tragique du récit. Mais le simple fait que ce film existe donne des raisons d’espérer en des jours meilleurs, à un avenir pacifique pour cette région du globe. Déjà parce qu’il a été réalisé conjointement par un cinéaste d’origine palestinienne et un second d’origine israélienne. Beau symbole… Et collaboration fructueuse…
Ensuite parce que les acteurs du film sont tous des acteurs non-professionnels recrutés à Jaffa même, et qu’ils ont tous travaillé de concert pour faire de ce film une belle aventure humaine.

Pour une première réalisation, Ajami impressionne par sa maîtrise, tant au niveau de l’écriture que de la mise en scène ou de la direction d’acteurs. On vous propose donc de le découvrir en salle et on attend, de notre côté le prochain film de ces cinéastes prometteurs.

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Ajami Ajami
Ajami

Réalisateur : Scandar Copti, Yaron Shani 
Avec : Shakir Kabaha, Ibrahim frege, Fouad Habash, Youssef Sahwani, Ranin Karim, Eran Naim
Origine : Israël, Palestine
Genre :  drame choral, thriller 
Durée : 1h58
Date de sortie France : 07/04/2010
Note pour ce film : ●●●●● 

contrepoint critique chez :  –

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2 COMMENTS

  1. C’est en effet un film impressionant dont la force nous captive.
    Bravo pour cette analyse du film !

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